On y est tous allés de notre larmette. Départ en retraite émouvant, vendredi à midi pile – l’heure, c’est l’heure -, d’Annie Dalbin, « mémoire », pierre angulaire et cofondatrice de La Lettre M. 32 ans à gérer factures, relances, abonnements, contrats de travail, accueil téléphonique et physique, courriers, notes de frais, transferts d’appels, bulletins de paie, lecteurs mécontents, à régler les problèmes de mots de passe pour accéder au site, à qualifier les fichiers, et plus encore… Le tout avec une sobriété et efficacité typiquement aveyronnaises. Pas moyen de se faire rembourser un Perrier offert à une source (d’infos, pas d’eau gazeuse) rare et précieuse. La pérennité de cet honnête journal éco n’est sûrement pas étrangère à cette gestion au cordeau.

Annie part à un moment où l’entreprise opère un virage stratégique : acquisition d’un titre homologue (MPS, pour Midi Presse Service) auprès de La Dépêche du Midi début 2015, pour anticiper la nouvelle grande région Languedoc-Roussillon/Midi-Pyrénées ; nouveau site web (www.lalettrem.fr) ; nouvelle formule ‘grande région’ – la même info est diffusée de Bagnols-sur-Cèze à Cahors – ; ouverture d’un bureau à Toulouse, aux 15, allées Jean Jaurès ; recrutements, dans la Ville rose, d’une rédactrice en chef adjointe, de deux journalistes et d’un commercial ; nouvel organigramme ; déménagement, aujourd’hui même, à Montpellier, dans un superbe appartement haussmannien, place de la Comédie, avec vue imprenable sur le Mac Do et le Monop’.

Bien qu’à quelques mois de la retraite, courant 2015, Annie a accompagné cette mutation profonde et accélérée avec sérieux, rigueur et constance. Mutation qui ne fut facile pour personne, et le nier serait mentir. Le bateau a tangué et les murs ont parfois tremblé. Pas de cabinet conseil « d’aide au changement » pour les TPE pressées. Les chocs sont moins amortis dans les petites structures (15 salariés aujourd’hui), où la dimension affective est omniprésente et l’arrêt maladie, une aberration. Au début, en 84-85, Annie tapait La Lettre M à la machine à écrire, et la portait elle-même aux premiers abonnés, les jours où les postiers étaient en grève. Magnifique.

« Depuis 1984, j’ai vu passer 159 salariés à La Lettre M », déclare-t-elle, comptable jusqu’au dernier jour, à la Brasserie de Théâtre à Montpellier, lors du déjeuner donné en son honneur. Il paraît que nul n’est irremplaçable. Alors, Annie Dalbin est remplacée, par Julia Faurie, à qui l’on souhaite la bienvenue, et qui apportera, à son tour, sa touche et ses méthodes. Mais il est un point où personne ne remplacera Annie : chaque lundi matin, nous échangions, nous, les deux seuls footeux de la boîte, quelques mots, tantôt exaltés, tantôt exaspérés – point de demi-mesure dans le Midi de la France -, au gré des résultats de La Paillade, notre équipe de coeur. Ces moments-là, peuchère, appartiennent bel et bien au passé. Ca méritait bien une larmette, non ?