Bien malin qui peut prévoir comment nous nous déplacerons demain, dans nos métropoles où la question du transport vire parfois au cauchemar – bouchons, pollution, fatigue. Les mobilités entament une mutation semblable à celle de la propagation de la voiture individuelle, lors des années 60. Ces véhicules particuliers, symboles de réussite sociale, de confort et/ou de liberté (ça dépend des gens), auront-ils encore leur place dans les grandes métropoles dans les années 2020 ? Va-t-on arriver à des modèles de cités presque entièrement fermées aux voitures, comme Amsterdam aux Pays-Bas par exemple ? La France va-t-elle instaurer des péages urbains ? Comment greffer, aux terminaux des transports collectifs, des solutions de mobilité astucieuses pour le  ou les dernier(s) kilomètre(s) ? Les voiries deviendront-elles le théâtre de flottes de véhicules autonomes, connectés et électriques, que nous réserverons depuis nos smartphones, et qui nous mèneront d’un point A à un point B, avant de prendre d’autres clients et avant que nous ne contactions un autre véhicule, pour faire le chemin retour ou pour nous rendre à un point C ? De l’ère de la production et de la propriété, vers celle des services et de la location. Comment les collectivités vont-elles gérer le boom des vélos en libre-service (cf. les premiers coups de pédale poussifs du nouveau Vélib’ de Smovengo) et des autos partagées ?

Les trains, qu’ils soient régionaux, Intercités ou à grande vitesse, garderont-ils leurs parts de marché, alors que les jeunes pensent blablacar ou bus Macron ? Un exemple : alors que je prenais en blablacar un étudiant, je lui demandais s’il prenait parfois le train. Il m’a regardé, incrédule, et m’a lâché : « En fait, je n’y ai jamais pensé. » Le train ne figurait même pas sur son radar des possibles.

D’après des experts de la mobilité, les bébés qui naissent en 2018 seront les premiers des futures générations à ne plus passer leur permis de conduire. Les véhicules autonomes devraient avoir pris le relais entre temps. Outre les économies d’auto-école, l’avènement de ces véhicules règlera de façon drastique le fléau de la mortalité (pardon, sécurité) routière : équipés de capteurs alimentant de bases de données géantes, et ayant emmagasiné eux-mêmes toutes les erreurs accidentogènes commises dans le passé (ce qu’aucun cerveau humain ne pourrait faire), ces véhicules feront preuve d’une prudence et d’une excellence nettement supérieures à la nôtre. Et nous épargneront les abrutis qui nous collent à l’arrière sur le chemin des vacances. Ils ne prolongeront, au final, qu’un mouvement si amorcé qu’il fait partie du décor quotidien – escalators, ascenseurs, métros automatiques… L’électronique embarqué représente 30 %, en moyenne, du prix de revient d’une voiture aujourd’hui, au lieu de 5 % voici 30 ans.

Reste que les gouvernants, nationaux ou locaux, sont désarçonnés face à l’ampleur et à la rapidité des changements. Même s’ils ne le disent pas. Il faut dire que la tâche s’avère ardue : ils doivent décider d’investissements massifs, engageant les finances publiques sur des décennies, sans détenir les clefs des habitudes futures de la population. C’est tout l’enjeu de la future loi sur les Mobilités, portée par la ministre des Transport, Élisabeth Borne. À l’échelle régionale, l’OTIE, observatoire toulousain de l’immobilier d’entreprise, présidé par Marc Delpoux, organise ce jeudi, sur la base aérienne de Francazal, un débat sur le thème « la mobilité du futur s’invente à Toulouse : de nouvelles opportunités pour l’économie locale ». Avec La Lettre M comme partenaire média, et l’intervention de spécialistes d’Airbus, Aerospace Valley, Easymile et Continental Automotiv. Puis, vendredi, à Carcassonne, Carole Delga, présidente PS de la Région Occitanie, lance un Gart (groupement des autorités régionales de transport) régional. L’idée, en gros, consiste à mettre en place, à terme, un ticket unique permettant au voyageur de passer d’un TER à un bus, ou tramway, ou métro, sans barrière de tarification.

Au-delà de ces aventures technologiques et stratégiques passionnantes, difficile de ne pas adresser un message à certains cyclistes urbains : les trottoirs ne vous sont pas destinés, et vous n’y êtes pas non plus prioritaires. De tous les défis énumérés ci-dessus, ce ne sera pas le moindre à relever.