C’était début juin. Alors que les pays occidentaux tentaient en vain, lors du dernier G7 au Canada, de convaincre Donald Trump de signer un accord a minima malgré de nombreux points conflictuels (accord iranien, commerce international, climat…), et pendant que l’Europe s’enlisait dans une crise sans précédent, entre la montée des nationalismes et la question humanitaire des migrants, Xi Jinping, président de la République populaire de Chine, orchestrait la réception des présidents russe, indien, iranien et mongol, lors du sommet de l’Organisation de Shanghai. Discrètement. Efficacement. « La planète a pour de bon pivoté vers Pékin », résument Les Échos, dans l’excellent dossier « Plus fort que Mao ; Monsieur Xi, l’inconnu au centre du nouveau monde »*. À 65 ans, le président chinois est en mesure de rester en poste jusqu’à la fin de ses jours, après sa réélection, en mars dernier, et la suppression de l’article 66 de la Constitution limitant à deux le nombre des mandats présidentiels. Le temps de voir son pays – le dernier des empires – devenir la première puissance économique mondiale. L’échéance est fixée à l’horizon 2024 par les experts. Sous des dehors policés, et malgré une proximité avec les milieux d’affaires, le « leader du peuple », comme l’édicte la propagande chinoise, s’inscrit dans une tradition dure : éternité auto-proclamée donc, et « remise au pas des médias et des ONG, violente campagne contre les militants des droits de l’homme, pression accrue sur les avocats et les artistes, verrouillage d’Internet, paranoïa croissante face aux ‘forces extérieures hostiles’ ».

La Chine s’invite aussi dans l’actualité économique en Occitanie. Tout est lié. Les rumeurs les plus contradictoires courent à Toulouse autour de l’actionnaire de l’aéroport de Blagnac, détenu en partie par un fonds chinois depuis 2015 : vendront-ils leurs parts ? ou au contraire, rachèteront-ils les 10 % que l’État s’apprête à céder ? Autre point : lors d’un Petit Déj’ de La Lettre M, le 19 juin, le préfet de région Pascal Mailhos, questionné sur les enjeux d’intelligence économique, a exhorté les PME à redoubler de vigilance vis-à-vis de stagiaires étudiants chinois « dévoués au point de venir travailler la nuit et les week-end ». Ce lundi 25 juin, Luo Qiang, nouveau maire de Chengdu, capitale de la province de Sichuan (centre-ouest de la Chine) et jumelée à Montpellier depuis 1981, s’est livré à une opération de séduction assez directe auprès du monde économique montpelliérain, lors d’un point presse donné aux côtés de Philippe Saurel, maire DVG de Montpellier et président de Montpellier Méditerranée Métropole, à l’Hôtel de Ville de Montpellier. « Nous rendons visite à notre petite sœur (Chengdu compte 15 millions d’habitants et Montpellier 280 000, NDLR), a-t-il déclaré, en présence du consul général de Chine basé à Marseille.  Vous avez le savoir-faire technique, nous avons le marché et la main-d’œuvre hautement qualifiée. Les entreprises innovantes de Montpellier sont les bienvenues pour implanter des filiales à Chengdu. Le gouvernement central de Pékin crée des zones de libre-échange à Chengdu. Il est très favorable à ce type de coopération. »

À peine rédigée la dépêche, coup de fil de Louis Privat, fondateur et PDG des Grands Buffets. Premier restaurant hors Paris en termes de CA (14 M€) et de fréquentation (340 000 repas par an), Les Grands Buffets (110 salariés, Narbonne) se disent victimes de contrefaçon intellectuelle et de parasitisme de la part d’investisseurs chinois. « Deux frères ont ouvert, en deux ans, deux établissements en France, identiques en tous points à notre concept : La Table d’Oc à Villeneuve-les-Maguelone (34) et La Table d’Arcins à Bègles (33). Y sont proposés les mêmes gammes de produits, la même fontaine à chocolat, la même rôtisserie panoramique, les mêmes meubles et mobiliers… », indique Louis Privat. Ce prétendu plagiat s’opèrerait alors que les Grands Buffets s’apprêtent à dupliquer leur concept dans de grandes capitales européennes, « en s’adossant à un groupe qui a le savoir-faire d’un tel développement. Il est rageant de voir qu’on est copiés, alors que depuis dix ans, nous testons notre modèle marche après marche ».

À l’échelle de la diplomatie internationale, Emmanuel Macron ne s’y est pas trompé, en prévoyant de se rendre « une fois par an » en Chine. Au moins une semaine à chaque fois ne serait pas de trop. Car c’est là-bas que ça va se passer.

* Les Échos week-end, 22 juin.