C’est une première, et probablement une dernière. Les 6 et 13 décembre prochains, se tiennent des élections – régionales, donc – qui n’auront pas fait l’objet de campagne. Comme un resto sans la carte. Pas, ou trop peu, d’empoignades, de joutes verbales, de débats d’idées, de tacles assassins, de revirements retors, de mensonges éhontés, comme tout journaliste qui se respecte les aime.

Certes, les candidats arpentent les départements et les métropoles depuis déjà plusieurs mois. Un labeur harassant, sur des territoires aux contours démultipliés, vastes comme un pays, pour battre le rappel des troupes et sonder l’effet des premières propositions. Mais pas de bol : à l’entame du sprint final massif, dans les trois dernières semaines, lorsqu’il faut se mettre à poil sous les projos, est tombé le 13 novembre. Ces attentats de Paris, de Saint-Denis et de malheur, ont fini par saper le peu d’enthousiasme qu’aurait soulevé ce scrutin auprès d’électeurs rivés vers Noël et de médias happés par la super-Cop21.

Franchement, les grandes régions, les gens n’y comprennent rien. Pourquoi, comment, pour aller où, avec qui, et c’est quoi ces mecs d’à côté pas comme nous ? Imposées par Bruxelles (euh pardon, François Hollande), personne ne les a voulues – avez-vous vu un clampin manifester en 2014 pour demander le mariage du Languedoc-Roussillon avec Midi-Pyrénées ou celui de Rhône-Alpes avec l’Auvergne ? Et il y a la date, saugrenue à la perfection. Il faut le faire exprès. D’ailleurs, c’est peut-être fait exprès.

L’abstention et les extrêmes menacent. Comme d’hab, mais cette fois encore davantage. Face à ces spectres, les colistiers ne ménagent pas leur peine, sur les marchés et les réseaux sociaux, souvent pour pas un rond, et sans la certitude de décrocher un strapontin. Alors, bénéfice du doute oblige, je veux bien croire qu’ils y croient quand même un peu. On ne peut pas placarder bleu-blanc-rouge partout sur ses pages Net, et cracher le lendemain sur des engagements militants, et sur le vote du peuple, cœur battant de la démocratie.

On l’oublie un peu vite : la loi NOTRe confère aux nouvelles régions des compétences-clé. Coordination des acteurs en termes de formation professionnelle, d’orientation et d’emploi. Clusters, pôles de compétitivité, aides aux entreprises, à l’innovation ou à l’investissement immobilier, soutiens à l’internationalisation, actions sur l’attractivité, propriété et exploitation de nombreux ports, aménagement de zones d’activités, enseignement supérieur et recherche, numérique, développement durable, prévention des inondations et des risques naturels, tourisme, gestion de l’eau, amélioration de l’habitat, fonds européens… La région, c’est aussi l’autorité organisatrice de l’intégralité de la mobilité interurbaine. C’est enfin des schémas structurants, derrière des sigles barbares : SRDEII pour schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation ou Sraddet pour schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires. Bref, longue est la liste. Lâchez donc cette foutue tablette et allez voter ! Une école, sans enfants et un dimanche, ça a son charme.