Je ne sais pas vous, mais moi, la République me fatigue. Pas ce qu’elle incarne, loin s’en faut, mais la façon dont ses valeurs sont galvaudées. Les attentats de Charlie ? La République meurtrie défile le 11 janvier. Les débats sur le projet de réforme du collège ? « L’école de la République » donnée en pâture à l’ogre télévisuel. Un nouveau nom pour redonner du coffre à un parti politique rivé sur 2017 ? Les Républicains mon quinquin ! Même si son show-man de président place le fric et les « racines chrétiennes » comme valeurs électorales et cardinales. On n’en est plus à une contradiction près, en temps de médiocratie.

La République, c’est comme la culture ou la confiture : moins on en a, plus on l’étale. Le tour de chant des frères Kouachi, et Mohamed Merah à Toulouse en première partie, proviennent d’un Islam dur, qui veut clairement, et jusqu’à en mourir, la peau d’une République par essence laïque. Les cibles sont bien choisies, admettons-le : policiers, journalistes, enfants d’une école juive, militaires, clientèle d’une épicerie casher. Actes aussi minoritaires que très inquiétants.

A de trop rares exceptions près, « l’école de la République », mise entre guillemets pour une deuxième fois à dessein, reproduit les élites. Toujours les mêmes, et nul ne semble se lasser de ce circuit fermé. Je mets mon gamin dans le public parce que ça fait bien de le dire, mais attention, dans le public des beaux quartiers, faut pas déconner. Fraternité, mais pas avec n’importe qui. Certains établissements publics fonctionnent comme le secteur privé. Prenez le cas du lycée Joffre à Montpellier : des listes d’attente longues comme une grève SNCF, et tous les politiques, avocats et journalistes de la place qui exercent des pressions louches pour leurs rejetons y soient inscrits – surtout pour ceux qui ne sont pas meilleurs que les gamins des cités. Egalité !

Les ministres des gouvernements de 2070 ne fréquentent qu’une centaine d’écoles maternelles, alors que la France en compte des dizaines de milliers. Signe patent de l’échec de l’idéal républicain, souligne à juste titre Marine Le Pen – classée hors du champ… républicain, encore lui.

Si ce billet sonne triste, c’est que cette République aujourd’hui mal portante m’a fait rencontrer, à l’époque, des gitans, des asiatiques et des arabes. Dès l’école primaire, c’était formidable de pagaille et de couleur – de « vivre-ensemble entre diverses communautés », pardon. Je ne me rappelle même plus si on mangeait halal ou pas à la cantine. Par contre, je me souviens que beaucoup se moquaient de mon prénom le 1er septembre lors du premier appel, mais que le 3 septembre, passées les premières parties de foot dans la cour, j’avais gagné leur respect pour des années. Je suis désormais loin d’eux, mais je les porte toujours, et sincèrement, dans mon cœur. Je ne trouve pas d’autre chute pour dire à quel point j’ai aimé ma République.