S’il avait été acteur, Nicolas Sarkozy aurait fait le bonheur des metteurs en scène pour la variété de son jeu. Dans le désordre chronologique et thématique : arrogant, brutal, lyrique, démagogue à outrance, cynique jusqu’à calquer sa parole sur les attentes exprimées dans des sondages ; Vrai sportif, même pas amateur de vin ; En semi-déprime après un 2ème divorce vite noyé dans l’ivresse du pouvoir ; Parlementant himself avec un déséquilibré ceint d’explosifs dans une école maternelle de Neuilly-sur-Seine, lorsqu’il était maire de cette charmante bourgade ; Capable de séduire, et de garder, l’une des plus belles femmes de Paris ; Echappant pour l’instant à toute condamnation judiciaire malgré une chancellerie et une horde de magistrats à ses trousses, et alors que la quasi-totalité de son ancien entourage est mis en examen ; Coureur planétaire de conférences juteuses, après avoir creusé le déficit public de son pays de 500 milliards d’euros – l’un n’empêche pas l’autre, me direz-vous. Essayant, enfin, de faire croire aux Français qu’il doute de sa volonté de revenir, pour humaniser son image, et exorciser les péchés originels – le yacht de Bolloré, le Fouquet’s, le ‘Casse-toi pauv’con’, la Princesse de Clèves,…

Qu’on ne s’y trompe pas : le très probable candidat à la primaire des Républicains (20-27 novembre) n’aurait jamais ébauché la moindre excuse ni procédé à la plus subliminale introspection s’il n’avait été en si fâcheuse posture dans les sondages. Après des élections régionales en demi-teinte, le président des Républicains met le paquet et cite Confucius, dans son livre « La France pour la vie » paru aujourd’hui (Plon) : « L’archer est un modèle pour le sage. Quand il a manqué le milieu de la cible, il en cherche la cible en lui-même. »

Pas encore archer, mais à coup sûr redevenu simple mortel, Sarkozy sait qu’il lui faudra moderniser son image, après 30 ans de carrière politique au plus haut niveau. Pas fastoche, mais la communication, le marketing et les maquilleuses font des miracles. Il va devoir surtout ferrailler avec son ancien Premier ministre, un Fillon aux accents libéraux, et son ancien ministre des Affaires étrangères, un Juppé père de la Nation, auréolé de sagesse girondine, nouveau copain des médias et devenu adepte de pique-nique dans les jardins publics. On nomme des potes et cinq ans après, ils vous grignotent dans les sondages : le « cactus », comme Chirac le surnommait (pas affectueusement), trépigne sous la table.

Sur le papier, c’est mort pour Sarko : 80 % des Français ne veulent plus en entendre parler. Le rejet de sa personnalité ne faiblit pas. Son camp le lâche. Il voudrait éviter l’humiliation d’une nouvelle défaite. Alors, Sarko, déjà out ? C’est mal connaître les aléas de la politique – Chirac ressuscité en 95 ou Hollande en 2012 -… et le bestiau. Son retard sur Juppé dans les sondages s’élève à une dizaine de points : conséquent certes, mais la campagne des primaires n’a pas encore débuté, tout au moins dans l’opinion. Et s’il clive et agace un grand nombre, Sarkozy a toujours son fan club. Au-delà de ce cercle de fidèles, environ 50 % des Français lui reconnaît une stature présidentielle – l’expérience accumulée entre 2007 et 2012 devrait être son argument fort, en ces temps incertains. Enfin, son bouquin à la plume affective, axé sur les regrets (27 occurrences) et le « je », cartonne. Rien que pour ça, on peut saluer la performance. A se demander si, finalement, Nicolas Sarkozy n’est pas un peu comédien.