Il y a 70 ans, à l’aube du mardi 6 juin 1944, 250 000 alliés débarquaient sur les plages de Normandie pour libérer l’Europe, piégeant les nazis, qui misaient sur le Pas-de-Calais et n’osèrent pas, ce matin-là, réveiller Adolf Hitler. Overlord : une attaque aérienne et maritime d’une ampleur inégalée dans l’histoire de l’humanité, conçue et exécutée de main de maître – « seulement » 4 000 morts, bien en-deçà des prévisions de l’état-major d’Eisenhower*. Créations de ports artificiels et de barges sur mesure pour déverser les hommes en flux continu sur le sable, prévisions météo avec les moyens de l’époque, guerre des renseignements sur fond d’agents doubles… Cette époque n’en finit pas d’interloquer, par sa puissance dévastatrice et le vertige des enjeux. D’autant plus qu’il planait une légère pression sur les plages d’Utah, Juno, Omaha et Sword : un tel déploiement de moyens humains et matériels ne pourrait être réédité. Victoire impérative.

Vendredi, 18 chefs d’Etat rendent hommage à ce coup de force, qui nous fait croire encore, et d’un éclat aveuglant, en la nature humaine. Comme souvent, l’essentiel sera à côté des discours. Il faudra regarder les survivants – paras, pilotes, soldats, infirmiers, sous-mariniers… -, ces vieillards magnifiques, tout penauds d’être encore en vie. « Nous ne sommes pas des héros. Les héros, c’est ceux qui y sont restés », répèteront-ils en choeur, noyés dans de vraies larmes.

Comme tant d’autres, je suis un petit-fils du D-Day, et, à ce titre, davantage « Il faut sauver le soldat Ryan » que « Le jour le plus long ». Quand j’étais môme, mes grands-parents m’en parlaient à voix basse, de ce 6 juin. Très rarement. Etreints par l’émotion. Comme s’ils revivaient l’instant, et doutaient encore de l’issue des combats. Curieusement, ils ne m’ont jamais emmené en pèlerinage – le fameux cimetière américain, les batteries de canons allemands, le mémorial de Caen ou la Pointe du Hoc. Trop dur, trop près. Aujourd’hui, il me semble évident et inévitable d’y faire un crochet avec mes gosses, sur la route d’EuroDisney. Et je trouve tout à fait regrettable qu’il ne soit pas obligatoire, pour tous les collégiens ou lycéens de France, d’aller passer trois jours là-haut dans le cadre d’un projet pédagogique. Histoire de.

Histoire d’entendre Winston Churchill parler à l’oreille de son peuple, en 1940 : « We shall go on to the end, we shall fight in France, we shall fight on the seas and oceans (…), we shall fight on the beaches, we shall fight on the landing grounds, we shall fight in the fields and in the streets, we shall fight in the hills ; we shall never surrender (jamais nous ne nous rendrons). » Pas de doute, Sir. En anglais, ça sonne mieux.

* La bataille de Normandie, qui a suivi le Débarquement, fut, elle, particulièrement sanglante : 200 000 soldats des deux camps morts ou disparus, et un lourd tribut payé par la population civile locale.