Quelque 200 professionnels de l’acte de bâtir assistent, ce lundi 20 février au Domaine de Verchant (Castelnau-le-Lez, 34) au dîner-débat du Cobaty Montpellier sur le thème « Fraude au détachement et concurrence déloyale », en présence du préfet de l’Hérault, Pierre Pouëssel.

Avec toutes les précautions d
usage pour un sujet explosif : le travail détaché est légal en Europe, la réciprocité s’applique – les majors français du BTP glanent de juteux marchés à l’étranger – et les amalgames sont à proscrire – des travailleurs français sont en situation irrégulière et des travailleurs étrangers en situation régulière. Reste que la fraude au travail détaché génère, d’après les professionnels d’Occitanie, des distorsions de concurrence très pénalisantes. « Les entreprises françaises de bâtiment sont confrontées à la concurrence de sociétés établies dans l’UE proposant des travaux à des tarifs très bas, au mépris de la réglementation sociale et fiscale applicable sur le territoire national, résume Thierry Ducros, président de la FFB 34. Ce phénomène de la fraude au détachement entrave l’activité des entreprises et menace le modèle sur lequel repose le secteur du BTP, en particulier l’apprentissage et la sécurité sur les chantiers. » Un comble, quand on voit les bataillons de jeunes au chômage. La faute à une course aux prix bas. La faute, aussi, à une réglementation si complexe, à la fois européenne et nationale, que la dissimulation et les contournements sont légion. « Le travail détaché est légal, mais il très difficile à contrôler », pointe Olivier Giorgiucci (FRTP LR), même avec la nouvelle carte d’identité professionnelle instaurée sur les chantiers. Ce que demandent les organisations patronales ? Que les travailleurs détachés suivent les mêmes règles – durée de travail, formations obligatoires (conduites d’engins, Caces…), hygiène et sécurité…

Appliquant les lois Macron et El Khomri, le préfet de l’Hérault a ordonné en septembre l’arrêt d’activité, durant 3 mois, de 5 chantiers privés (Pignan, Castries et Castelnau) à l’encontre de l’entreprise de travail temporaire portugaise Norteman LDA et son donneur d’ordres perpignanais Armatures Construction.

Beaucoup de maîtres d’ouvrage publics continuent de privilégier le moins-disant, à défaut du mieux-disant, d’après les fédérations professionnelles. « Il y a une crainte, chez les élus, du délit de favoritisme, explique Gilles Gauer, avocat montpelliérain. Et le moins-disant est plus facile à démontrer. » Mais, pour Thierry Ducros, « les maîtres d’ouvrage peuvent détecter et éliminer les offres anormalement basses ». D’autant plus que la course aux prix bas revêt des risques, avec « des entreprises qui fondent les plombs en cours de chantier, et des lots à relancer, ce qui a un coût », observe Xavier Bringer (FPI Occitanie Méditerranée).

Au final, et malgré l’implication d’inspecteurs du travail allant pour certains jusqu’à contrôler des chantiers le week-end, que risquent les contrevenants, qu’ils soient publics ou privés ? Pas grand chose. « Les juridictions n’ont pas les moyens suffisants pour appliquer les lois, et de surcroît, ces dernières ne sappliquent que 3 ou 4 ans après leur vote », conclut Gilles Gauer. Mais la sanction, pour le contrevenant, est « davantage dans l’image que dans le montant de l’amende ». Car « ce type de dérapage, très médiatisé, choque l’opinion ». Suivez mon regard. Et lisez l’enquête complète dans La Lettre M de ce mardi 21 février !