Pas envie de faire le malin, au soir d’une journée qui a vu trois enfants et un papa assassinés dans une école de Toulouse. J’ai les jambes coupées et le souffle court. Le billet initial attendra une semaine. Je pense juste aux familles des victimes, à ces vies enlevées pour rien. Que faire d’autre ? Les questions viennent en rafales. Comment les proches peuvent-ils survivre à un tel drame ? Comment un homme (car c’est un mec, forcément) peut-il en arriver à un tel niveau de violence, dans l’enceinte même d’une école ? Va-t-il recommencer ? Quand, comment sera-t-il arrêté ? Pourquoi des enfants ? Que ressent-il ce soir ? Regarde-t-il la télé en fumant un clope ? A-t-il, a-t-il eu une vie de famille ? Sourit-il, ivre de lui-même, en voyant les leaders politiques défiler les uns après les autres ? Pourquoi des enfants ?…
« Vos enfants sont nos enfants » : la formule présidentielle est aussi évidente qu’efficace. Cet acte fou marque un tournant dans la campagne. Il y a une étrange similitude avec la tuerie de Nanterre, il y a dix ans, presque jour pour jour. Huit élus tués par un illuminé, dans un conseil municipal, autre lieu symbolique de la République. A croire que les campagnes électorales donnent plus d’idées aux fous furieux qu’aux politiques. A un mois du premier tour, la peur gagne la France. Cette peur est la meilleure alliée objective du président candidat, qui amorce déjà une remontée dans les sondages. Je disais il y a juste une semaine (mes proches en sont témoin) : « Je sens bien un attentat à Paris, et vous allez voir, ça va le remettre en selle. » Ce n’est pas un attentat. C’est loin de Paris. Mais nous y sommes. Le cas de force majeure, l’urgence extrême, le vacillement national qui appelle à sa « France forte ». Son principal adversaire de gauche a bien sûr le droit d’être touché au cœur. Mais il a commis deux erreurs  en ce lundi noir : premièrement, rien ne prouve, comme il l’a tout de suite affirmé, qu’il s’agit d’un acte antisémite. Il n’y a pas eu de revendication. Le tueur a peut-être choisi cette école parce qu’elle est isolée. Ou peut-être est-il plus intelligent qu’on ne le pense : voulant déséquilibrer le pays tout entier, et sachant la question de l’antisémitisme ultra-sensible, il a attaqué une école juive. Et quelquepart, antisémite ou pas, ce n’est pas le sujet : la vie d’un enfant juif ne vaut pas plus que celle d’un enfant arabe, noir ou gaulois. C’est la vie d’un enfant. Deuxième erreur : son déplacement à Toulouse, et sa prise de parole au cœur de la ville. Il est des moments où il faut se taire, penser aux mamans et laisser au vestiaire ses ambitions personnelles. 100 % d’accord avec Marine Le Pen, quand un confrère lui demande, ce matin, si elle a prévu d’aller à Toulouse : « Je ne sais pas si c’est la place des candidats. C’est la place du président de la République. »