Les soirées électorales, il faut s’y préparer comme un élève gendarme prépare son parcours du combattant. Surtout quand on roule pour plusieurs médias. Qui attend quoi, dans quel timing ? Quels sont les mots-clés pour calmer le stress de tel ou tel chef – toujours parler leur langue ? Y aura-t-il une p… de connexion Internet ? Surtout, se faire accréditer. Prendre sa carte de presse. Recharger son ordi, son portable. Se charger de chargeurs. Armer son dictaphone de piles neuves, faire le plein de la voiture, se munir de barres énergétiques – car on va se coucher tard, très tard. Et c’est le grand saut : nouveaux lieux, nouvelles têtes, adrénaline des directs, joutes des candidats, entre caciques des systèmes et dissidents armés de rage.

23 mars, 19h30. Je trouve tant bien que mal le « château » (mas camarguais) où Gilbert Collard, candidat FN à Saint-Gilles, a donné rendez-vous à la presse. Un domaine reculé, battu par un mistral glaçant, que je gagne à la nuit tombée. Estafettes des chaînes TV en continu, RTL, AFP, France 3, TV Sud : le tout-média fait le pied de grue depuis deux heures, avec deux pauvres thermos de thé et de café pour tenir – les barres énergétiques, je vous dis. Dans une pièce attenante, l’avocat et son staff reçoivent les résultats des premiers bureaux de vote du bourg gardois. On textote maladivement à droite à gauche, pour transmettre à nos QG rédactionnels les bribes d’infos, parfois contradictoires, qui nous parviennent – Collard en tête, de beaucoup, presque élu au premier tour, et puis finalement non. Entre deux, j’échange avec des confrères parisiens. Je les taquine lorsqu’ils se plaignent du froid – mais pourquoi croient-ils qu’il fait toujours chaud dans le Midi ? -, et les invite à nuancer leurs propos – un candidat FN élu à Saint-Gilles, c’est du folklore local ; un autre en passe de prendre Béziers, 2ème ville de l’Hérault, c’est une autre dimension.
Bon allez, c’est pas tout ça, direction dare dare la préfecture du Gard, pour prendre le pouls du vote FN dans les autres bastions frontistes locaux : Beaucaire, Nîmes, Vauvert… Le trajet est passé au téléphone et à programmer le GPS. Gare aux fossés. Enfin en poste, juste à temps. Dans la salle de presse, France Bleu diffuse « L’opportuniste » de Dutronc : franche rigolade.

Les résultats nationaux, et cette double envolée (FN et abstention), me laissent de marbre. Plus aucun affectif, snif. Ah si : entre deux fiches de résultats de communes gardoises, je scrute les résultats de ma ville, Montpellier, si longtemps marquée par le règne d’un seul homme – Georges Frêche, de 1977 à 2004. Aujourd’hui qu’il n’est plus, ces héritiers se déchirent, entre voix officielle (Moure, 25%) et dissident (Saurel, 23%), talonné par l’UMP Domergue. L’entre-deux tours sera saignant façon bavette, chouette ! On jubile en salle de presse. 2h, je rentre enfin. Même plus sommeil.