On ne veut pas (encore) du Front national. C’est, en résumé, le message que les électeurs français ont envoyé à leur classe politique, lors du 2ème tour des élections régionales, ce dimanche 13 décembre. Alors que le FN était arrivé en tête dans six régions sur treize une semaine auparavant, il fait chou blanc une semaine plus tard, victime des retraits du PS en Paca et Nord-Pas-de-Calais/Picardie, et d’un réveil différé et puissant des abstentionnistes. Le remake des élections départementales de mars, où le FN, seul et sans réserve de voix, s’était déjà heurté à ce plafond de verre.

Oui mais. Le Front national s’enracine et progresse. Jamais autant de Français n’ont voté pour ses listes, avec 6 800 000 suffrages exprimés hier soir. Le parti comptera en janvier 350 conseillers régionaux, trois fois plus qu’auparavant. Sur les terres de Marine et Marion Le Pen, il n’a perdu qu’à la faveur du hara-kiri des socialistes. Et son niveau reste stable, voire légèrement supérieur, entre le premier et le second tour. Comme près de 10 % d’électeurs supplémentaires ont voté hier soir, cela prouve que le FN a gardé une dynamique entre les deux tours. On notera la percée presque victorieuse de Marion le Pen, qui fait mieux que Marine et exploite vite sa performance : « la recomposition de la vie politique française commence, et elle part de notre région ». Il conviendra de suivre de près le rôle que cette députée de 26 ans, politiquement redoutable, va jouer dans son parti, et au-delà.

La classe politique n’est pas dupe de cet avertissement sans frais envoyé par les électeurs. Le FN monte, et finira par gagner si rien ne change. « Cette victoire n’est pas un chèque en blanc, mais un vote d’exigence », déclare Valérie Pécresse (LR), après une victoire au forceps contre Claude Bartolone. Edouard Philippe (LR), député-maire du Havre : « On serait fous d’imaginer que l’arrivée du FN est impossible. Pour l’instant, une majorité de gens ne veulent pas du Front national. Mais cette majorité s’effrite. » Le scrutin sonne comme « une injonction à en finir avec les petits jeux et les sectarismes », affirme le Premier ministre Manuel Valls. « Le second tour est un sursaut, mais c’est aussi un appel pour ou vers les changement », enchaîne François Bayrou (MoDem) sur twitter. Jean-Michel Cambadélis, premier secrétaire du PS, parle d’un « succès sans joie ». Après s’être engueulé avec à peu près tout le monde, Nicolas Sarkozy a filé au Parc des Princes voir son pote Nasser et cinq buts du PSG. On ne se refait pas.

En Languedoc-Roussillon/Midi-Pyrénées, sans surprise, Carole Delga (union de la gauche) rassemble large et l’emporte facilement. Son exécutif devra ferrailler avec deux métropoles, Toulouse et Montpellier, présidées par Jean-Luc Moudenc (LR) et Philippe Saurel (DVG), qui ont commencé à travailler ensemble pour peser face à cette nouvelle grande Région. Autres dossiers chauds : la composition des vice-présidences, avec ces écolos qui ne veulent de rien, et, plus technique, le rapprochement des deux CPER (contrats de plan Etat/Région). Côté ferroviaire – la Région étant autorité organisatrice des transports de voyageurs -, l’équipe de Carole Delga aura fort à faire, courant 2016, en vue du renouvellement de la convention pluriannuelle TER (Train Express Régional) avec la SNCF, alors que les tarifications diffèrent entre les deux anciennes régions. Et en interne, elle devra, comme tous les vainqueurs d’hier soir dans des régions agrandies, piloter la fusion des services. Sans compter le casse-tête du nom à trouver pour ce grand territoire. Ça mérite, en effet, de s’y mettre dès ce matin.