Les peuples sont souverains et incorrigibles. Ils ne votent jamais comme il faut. En 2005, déjà, les Français avaient dit non, massivement, au traité constitutionnel européen. Try again… et non, encore raté vendredi, avec le choix, plus radical, des Britanniques de quitter l’Union européenne. La campagne a certes été truffée de manipulations et de mensonges. Et le British de base ne comprend rien au fonctionnement des institutions européennes. De là à dire que les peuples n’ont pas voix au chapitre sur les questions sérieuses…

Les élites ou autoproclamées telles – intellectuelles, médiatiques, financières, économiques et politiques – n’ont pas tardé à réagir avec effroi. Le Brexit est, il est vrai, un coup de tonnerre dans l’histoire de la construction européenne. Première fois qu’un pays s’apprête à quitter la grande famille, qui ne fait que s’agrandir depuis 50 ans. Du coup, il va falloir choisir une bonne fois pour toutes : soit un retour à une Europe des nations, soit une clarification définitive du rôle de l’Europe – défense, harmonisation fiscale et sociale, accueil des réfugiés climatiques et politiques, lutte anti-terrorisme. Après cette déflagration anglaise, le sujet s’invitera à la campagne présidentielle française. Good news.

L’onde du Brexit donne lieu à des spéculations – c’est de bonne guerre – chez les journalistes économiques, experts du secteur bancaire et autres observateurs. Panique boursière, crainte d’abaissement du niveau de vie et d’une récession outre-Manche, impact sur les relations commerciales avec les partenaires européens, risque de contagion de la crise et de division au sein du Royaume désuni, transfert possible de sièges sociaux d’entreprises londoniennes vers Paris et Berlin…

Mais ne perdons pas de vue l’essentiel. Tout d’abord, le peuple britannique est souverain. Personne n’a de leçon de bravoure et d’intelligence à lui donner. Un peu de fair-play et de décence, please. Et puis, l’Angleterre a-t-elle un jour fait partie de l’UE ? Administrativement, oui. Mais ni accords de Schengen, ni Euro zone. Relation privilégiée avec Washington. Et ce fameux « I want my money back » de Margaret Thatcher, dans les années 80, qui ne résonnait/raisonnait pas franchement comme une déclaration d’amour. Enfin et surtout, les Britanniques n’ont pas non plus porté au pouvoir un dictateur sanguinaire. Ils ont tranché démocratiquement, à une question posée par un Premier ministre élu démocratiquement, à 17 410 742 voix pour le ‘out’, contre 16 141 241 favorables au « in ». La pétition (3 millions de votants) exigeant un nouveau scrutin est à ce titre symptomatique de celles et ceux qui, au prétexte de défendre un idéal – le leur -, foulent au pied le plus précieux d’entre tous – la démocratie, imparfaite mais partagée.