Maillot français ou algérien ? Le jeune (21 ans) footballeur Nabil Fekir, milieu offensif de l’Olympique Lyonnais, se retrouve en pleine tempête médiatique et introspective. Overdose de nuits blanches pour le gaucher surdoué. Harcèlement téléphonique (jusqu’à 200 appels en 50 minutes), qui l’a poussé à changer de numéro la semaine dernière. Pression familiale. Le paternel, Mohamed, qui supervise la buvette du FC Vaulx, aimerait tant que le cœur de son fils prodigue penche pour l’Algérie.

Si la binationalité est possible dans l’état civil, elle ne l’est pas sur les terrains. Le règlement de la FIFA intime en effet à tout joueur binational appelé en équipe nationale pour y disputer un match officiel, de choisir son camp. Décision difficile, obligatoire et irrémédiable. Que la pépite made in Vaulx-en-Velin opte pour les Bleus ou les Fennecs, c’est pour la vie. Un choix diabolique, entre identité et vécu, qui plonge Fekir, si jeune et à peine éclos, au plus profond de son histoire duale. Racines pas carrées, où les plus tordus font rejouer à ce gamin une guerre pourtant vieille d’un demi-siècle. Les réseaux sociaux n’arrangent rien. « Si tu ne choisis pas l’Algérie, tu es un harki. »

On dépasse le cadre sportif. Chacune des options sera interprétée, avec le lot habituel de tacles et venins. Alors que plusieurs de ses contemporains se trouvant dans la même situation ont opté pour leur pays d’origine – on pense à Younès Belhanda, champion de France 2012 avec Montpellier, pour le Maroc -, il semble que Nabil Fekir adopte son pays d’adoption. Avec un petit sursis réglementaire : l’équipe de France ne jouant que des matches amicaux jusqu’à l’Euro 2016 (qualifiée d’office, car pays organisateur), Fekir pourra encore changer d’avis. Mais la Fédération algérienne a annoncé samedi la mise en place d’une commission qui pourra bannir tout joueur qui ‘porterait atteinte à l’image de la sélection’. Bref, les sélectionneurs des deux pays respectifs – Didier Deschamps pour l’équipe de France, Christian Gourcuff pour l’équipe d’Algérie – y vont de leur coup de pression. Conscientes chacune de tenir un petit génie, mais procédant sans aucun égard pour lui.

Et le ballon, dans tout ça ? Visage fermé à l’échauffement, Nabil Fekir a éclaboussé dimanche soir le match Montpellier-Lyon, inscrivant deux bijoux de buts et propulsant son équipe tout en haut, devant le PSG. La réponse d’un futur grand, balle au pied. Billet inspiré de L’Equipe du 9 mars 2015, et de mon amour – sans patrie – du football.