On s’intéresse peu aux patrons de TPE-PME. « On » : médias et politiques. La réussite sociale reste associée au mythique « grand groupe ». Y rentrer transforme le jeune diplômé en gendre idéal, comme dans les histoires pour enfants. Qui sont les obscurs patrons de TPE-PME (petites et moyennes entreprises), dans leurs zones d’activités tristounes et leurs locaux vieillots, avec l’organigramme glaçant placardé à l’entrée ? Ils ne s’en mettent pourtant pas, pour la majorité d’entre eux, plein les fouilles. Quand les marges sont là, ils ont le souci de provisionner en cas de coup dur, d’investir dans le développement de leur boîte et d’attribuer des primes à leurs piliers les plus impliqués. Quand leur affaire disparaît, ça n’émeut pas grand monde : « peu » d’emplois en jeu. Les « plans sociaux » des mastodontes, comme ceux de Sanofi ou Peugeot par exemple, emplissent les colonnes pour leur portée bleu-blanc-rouge.

Les PME, un universitaire en parle bien mieux que moi : Olivier Torrès, dont l’observatoire Amarok, qu’il préside et a fondé en 2009, s’intéresse à la santé des dirigeants de PME, commerçants et artisans. Ce mercredi 15 mars, à partir de 18h30 au Dièze (118, avenue du Marché Gare, Montpellier), il organise une rencontre sur le thème « La santé des entrepreneurs est-elle d’intérêt général ? »* L’écosystème de la PME « est ultra-majoritaire dans le paysage des entreprises françaises et contribue à près de 10 millions d’emplois, explique-t-il. Or, l’absence d’épidémiologie de la santé des chefs d’entreprises, l’inexistence de services de santé au travail spécifiques, l’extrême faiblesse des connaissances dans ce domaine, le caractère flou des rares statistiques existantes montrent à quel point notre société a besoin d’évoluer sur ce point. La PME n’a qu’un secrétariat d’État ! »

Lors de cette rencontre, Olivier Torrès insistera sur son objectif 2017 : « rendre possible l’accession d’Amarok au rang d’association d’intérêt général. » Ce professeur associé à Montpellier Business School, a bon espoir. « On est dans la santé et dans la recherche. C’est recevable. On fait avancer la science. 3 millions de travailleurs indépendants n’ont pas de service de santé au travail. Les dirigeants n’ont pas le temps d’être malades, et quand ils le sont, ils reprennent le travail beaucoup plus vite que ne le feraient un salarié. »

L’universitaire est épaulé au quotidien, à Amarok, par deux permanents – une administrative et une psychologue du travail -, et s’appuie aussi sur six doctorants, docteurs et ingénieurs d’études
, qui collaborent sur des thèmes divers : handicap et entrepreneuriat, qualité du sommeil et entrepreneuriat – « la dette de sommeil atrophie les capacités créatives et d’anticipation, et crée de l’irritabilité » -, impact de la santé du dirigeant sur l’évaluation financière de l’entreprise – « la mort d’un patron du CAC 40 n’a pas d’impact sur le business du groupe, alors que dans une PME, ça peut entraîner le dépôt de bilan. » Dix thèses ont à ce jour été soutenues. Dernière en date : « La santé dans l’octroi de crédit aux PME : entre asymétrie informationnelle et déviances mensongères » (Rose-Myriam Mondelus, 12/2016, Université de Montpellier).

Les conseils de Doc Torrès semblent basiques : « 15 mn de sieste laprès-midi, pas plus de 4 cafés par jour, investir dans un super matelas, penser à dormir, mettre du double vitrage : la qualité du sommeil est fondamentale. » Faire du sport, manger sain, boire de l’eau, s’aménager une échappatoire. Mais des basiques « que beaucoup de dirigeants dentreprise, la tête dans le guidon, négligent ».

En sept ans, ce passionné, à la verve sétoise – il est originaire de l
Île singulière – a donné 400 conférences sur le sujet, et rencontré à travers la France 50.000 chefs d’entreprise. « J’évangélise. Je suis le Guy Lux de la PME », ironise-t-il. Au rythme d’une conférence par semaine (Medef, CPME, CCI, UPA, chambre de métiers…), partout en France, il dit « être connu de tous les assureurs. Amarok a des partenariats scientifiques avec MMA (Fondation des entrepreneurs du futur) et Garance (ex-MNRA), pour le financement d’une étude épidémiologique. » Et j’entends à nouveau son diagnostic, tombé au terme de l’interview : « Hubert Vialatte, vous travaillez trop, mais comme votre stress est choisi et non subi, ça passe ! »

* Inscription sur rencontre.amarok@gmail.com