Rien de plus délicieux que les guerres intestines. La droite d’abord (20 et 27 novembre), la gauche ensuite (22 et 29 janvier) vont se livrer à des primaires inédites – car on n’arrive pas y voir clair. Le brouillard va même en s’épaississant à mesure que les échéances approchent. Les journalistes et politiques prédisent, pour beaucoup, un film d’horreur, à savoir un remake de 2012, trait pour trait. De gauche à droite sur la photo : Mélenchon, Hollande, Bayrou, Sarkozy, M. Le Pen. Hypothèse plutôt baroque, si on regarde l’envie de renouvellement et d’air frais exprimée par les citoyens. L’expérience de la bande des cinq n’a certes rien d’un gros mot. Tous ces candidats l’utilisent même comme argument de vente, et déploient une énergie assez dingue pour rester en vie (médiatiquement parlant). Mais se retrouver avec le même quinté, avec à l’arrivée un classement différent (ou pas)… Dans un monde qui tangue et qui bouge à la vitesse de la lumière – climat, numérique, migrations, globalisation -, quel constat de conservatisme ! Et, pourrais-je écrire si j’étais éditorialiste à Libé ou chroniqueur à C dans l’air : une telle surdité des appareils politiques aux aspirations du peuple français refléterait un malaise profond de la démocratie.

Heureusement, rien n’est joué. Incertitude totale pour ces primaires. Bouteille d’encre dont raffolent les observateurs et les instituts de sondage. On peut contester le processus de la primaire : les parrainages qui favorisent l’émergence de candidats du sérail, et sclérosent le scrutin ; la personnification excessive des débats, au détriment du contenu programmatique ; l’utilisation de l’espace offert par des seconds couteaux pour leur permettre, de façon assez cynique, de se placer ; la mise en lumière du niveau de détestation, parfois démoniaque, entre candidats du même bord. Soit. N’empêche, on a rien trouvé de mieux jusqu’à présent.

Le ton de votre billet préféré m’autorise aux confidences : j’irai voter aux deux. Pas à trois, on fera l’impasse sur la primaire des Verts (19 octobre et 6 novembre), faut pas charrier. Mais aux deux autres, les vraies, oui. Déjà, ça coûtera peu : environ un euro pour celle de gauche et deux euros pour celle de droite, se moquait bassement un gars sur un marché. J’irai aux deux et donc avec trois euros, pour un motif absurde : les caricatures des électeurs des deux camps que je vais y croiser me font marrer et en disent long sur une partie du pays. Par conviction partielle : il y a des bouts de bonnes idées dans chacun des deux camps, et je le pense sincèrement. Autant pousser vers le printemps prochain celui ou celle qui me convient le plus. Oui, je sais, il faudra signer une charte d’adhésion aux principes de droite et de gauche. Mais une charte n’engage guère : regardez celle des journalistes.
J’irai aux deux, par attrait pour la politique : ça va saigner partout, alors autant prendre part au baston. Par goût du paradoxe : je suis capable de ne pas aller voter en avril après m’être déplacé aux quatre tours des deux primaires. Et puis, surtout, les dimanches m’emmerdent. Ça fera une sortie.