Dur. Samedi 2 novembre, deux confrères, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, journalistes à Radio France Internationale (RFI), ont été enlevés et abattus comme des chiens, à Kidal, dans le nord du Mali. Morts en exerçant la quintessence de leur métier, dans une zone à risque, où des tribus rivales – islamistes et touaregs – se déchirent. Le procès en imprudence n’aura pas lieu : ces deux pros de l’info connaissaient l’Afrique comme leur poche, ayant arpenté le continent depuis plus de deux décennies.

Au-delà des vocables de circonstance – colère, tristesse, effroi -, bien inutiles, une salve de questions se déclenche. Y a-t-il un lien entre ce double homicide et la libération des quatre otages français d’Arlit (Niger), survenue à peine trois jours plus tôt, le 30 octobre ? Engagée militairement au Mali avec l’opération Serval, où en est vraiment la lutte solitaire de la France contre le terrorisme djihadiste ? Quelle place, désormais, pour les journalistes salariés d’un groupe public (je ne parle pas des indépendants, libres de prendre tous les risques) dans la couverture médiatique d’un tel guêpier ?

Courageusement, la direction de RFI a, dès samedi, asséné sa volonté de continuer à envoyer au front ses troupes désarmées, partout où l’actualité l’exigera. Un credo professionnel et passionnel, plus bel hommage possible à ses deux soldats tombés pour Radio France. Marie-Christine Saragosse, directrice du groupe, entend ainsi
« ne pas se laisser clouer le bec par des barbares ». Un membre de la rédaction ajoute, ce dimanche : « ne plus aller à certains endroits, et se contenter de conférences de presse avec des mecs en costards, c’est ça notre métier ? » Des mots forts, habiles, qui claquent bien, mais ne garantissent rien. La violence est en effet montée d’un cran. Pas besoin de revendication : l’exécution de deux reporters, symbolisant malgré eux un bout de démocratie occidentale (la presse libre et indépendante), est une attaque contre les intérêts français.
Dans cette affaire complexe et naissante, faisons confiance à la raison d’Etat et à l’armée, qui a découvert les corps, pour verrouiller la communication. Je doute que la vérité vraie sur l’assassinat de Ghislaine Dupont et Claude Verlon soit un jour réellement établie. Un comble, pour ce tandem qui voulait toujours tout savoir.