Tout arrive. La cause féminine – les violences conjugales en l’occurrence – s’invite en Une du quotidien sportif (il n’y en a toujours qu’un : on est en France) L’Équipe, ce lundi. Un brin d’ironie : un tel choix pourrait davantage s’expliquer par le fait que mes confrères savent que le sujet, d’actualité, va buzzer et faire vendre, plutôt que par une réelle et subite conviction éditoriale. Il faut dire qu’il n’y a pas un jour sans elles, et que 2017 pourrait constituer une année-charnière dans les relations femmes-hommes. Seul l’avenir le dira. Dans le désordre :  #Metoo, #Balancetonporc, le projet de loi contre les violences sexuelles et sexistes porté par la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les hommes et les femmes Marlène Schiappa (dont la noblesse de la cause ne mérite pas encore un ministère), le limogeage de l’humoriste Tex ou la controverse sur le retour sur scène de Bertrand Cantat.

La même Marlène Schiappa pointe à juste titre qu’elle est décrite, parfois, dans les articles de presse, pour des attributs purement physiques : maquillage, cheveux détachés, regard… Le magazine Causeur n’y est pas allé de main morte, assimilant cette Corse d’origine, à son arrivée au gouvernement, à une « silhouette de chaude panthère évadée d’une crique sici­lienne ». La classe. J’ai encore lu, dans la presse quotidienne régionale, ce week-end, une femme, engagée dans l’humanitaire, décrite comme « souriante ». Rien à voir… Et toujours cette rengaine en sourdine : une femme doit sourire, pour charmer sans trop parler non plus, les deux en même temps. Lors de déplacements presse, j’observe qu’il arrive que des femmes, pourtant élues de la République, directrices d’institutions ou chefs d’entreprise, soient interpellées publiquement, par les hommes, par leur seul prénom. Façon peut-être inconsciente de les objetiser, de les rapetisser, de les verrouiller aussi. Elles ne s’en laissent pas compter, regroupées dans de puissants réseaux économiques, parmi lesquels Femmes chefs d’entreprise, Femmes du numérique, Agence pour l’entrepreneuriat féminin, actions pour l’entrepreneuriat au féminin du Réseau Entreprendre…

Bref, y a du boulot. Gare aux retours de femmes néanmoins. Comme dans ces tables rondes ou dîners-débats avec, en sachants, quatre, cinq, voire six individus exclusivement masculins. Sans compter les grands pontes qui ouvrent la cérémonie, également des gars. Pourtant, de nombreuses femmes – secrétaires générales, partie technique, chargées d’événementiel ou de communication…- prennent part aux réunions préparatoires. Mais elles ne s’expriment que trop rarement sur ce déséquilibre, alors qu’elles pourraient être entendues. Bien que n’étant pas militant féministe, je prône alors, lors de ces réunions, une mixité. Pas par obligation, mais parce que cela me semble évident. Parce ce qu’il ne peut pas y avoir une dizaine d’intervenants mâles, pendant 1h30 mn, en 2018. Parce que les femmes apportent une vision du business différente. Parce qu’on peut plus se priver de façon aussi ostensible de la moitié de l’humanité. Le message porte le plus souvent. Le cas échéant, je m’adresse alors à la salle, le jour J, sur scène, en préambule, juste après avoir présenté la brochette masculine dont je fais partie : « Chers amis, que des femmes ce soir sur scène, animateur compris, comme vous pouvez le constater. »

Retours de femmes aussi dans un inverse extrême, comme dans ces discriminations positives énervantes, lors des nominations ou remises de prix : « Regardez-la, applaudissez-la, c’est une femme ! » Rendez-vous compte ! Avec sa carrosserie rutilante ! Avec un point d’exclamation ! On se croirait à la foire aux bestiaux de Brive-la-Gaillarde. Un récent communiqué de presse, émis par un grand compte, et non par la PME du coin, débute ainsi – je le cite : « Une femme aux commandes ! Ce n’est pas si fréquent dans l’univers du (…)  C’est pourtant notre choix. Un choix de confiance et de fidélité. » Comme si nommer une femme à un gros job exigeait une confiance telle qu’il faille souligner ladite confiance, en entame d’un communiqué pourtant long d’une trentaine de lignes. J’ai choisi de ne rependre aucun des mots cités ci-dessus dans l’article de La Lettre M traitant de cette actualité. Me cantonnant, factuellement, aux seules compétences de la personne en question, à son parcours et à son diplôme, parfaitement détaillés au demeurant dans ce document. C’était, je le pense, la façon la plus efficace, et digne, d’en parler. Comme quoi, la discrétion sait être masculine. Tout arrive, je vous dis.