Dix ans après son coup de boule sur le défenseur italien Marco Materazzi en finale da la coupe du monde de football, attitude criminelle contre le pays qui aurait mérité une déchéance de nationalité avant l’heure, le marseillais Zinédine Zidane, 44 ans en juin, est propulsé entraîneur du Real Madrid. Il succède à Rafaël Benitez et est le premier Français à occuper ce poste. Pas vraiment une surprise : Zidane fut entraîneur adjoint du club, et joueur adulé, du temps où il jouait, flanqué du n°5.

Débuts doublement réussis pour l’ancien stratège des Bleus : sur la forme, d’abord, avec une intronisation franchement classe. Veste de costard bleue ciel à carreaux blancs, sourire pub de dentifrice, silhouette affûtée que c’en est agaçant, espagnol parfait que c’en est agaçant, présence de sa femme et de ses quatre fils : un marketing bien huilé, qui la joue « comme à la maison ». Sur le terrain – enfin, sur le banc – ensuite, avec une première victoire 5-0 contre La Corogne – mais est-ce sportivement significatif ?

On s’en fout, il y a plus grave, état d’urgence, les un an de Charlie, c’est une non-info ce billet, roumèguent les esprits chafouins. Oui et non. Car c’est peu écrit : après sa carrière pro, « Zizou » a fait l’effort de valider son diplôme d’entraîneur, en retournant sur les bancs de l’école, en se remettant en question, alors qu’il n’en avait de toute évidence pas besoin. Et puis, la démarche me plaît : celle de la passion, de la mise en danger, de la volonté d’exceller, de l’humilité aussi. Sacré challenge : manager un collectif aussi fragile et précieux que celui d’une équipe de très haut niveau, ne fait pas appel aux mêmes compétences que celles requises pour briller balle au pied. Côté pile, Zizou n’a jamais rien gagné en tant qu’entraîneur. Côté face, son charme et son aura semblent déjà opérer auprès des ego des superstars du club Merengue.

On a beaucoup, et très bien, écrit sur Zidane*. La gestion impitoyable de ses affaires, l’omerta médiatique – dopage, conditions de son soutien à la coupe du monde au Qatar en 2022 – liée à son statut d’intouchable, son immense fortune, ses juteux contrats publicitaires, sa nouvelle vie – y compris fiscale – en Espagne, sa notoriété planétaire, son hygiène de vie irréprochable. Son insolent talent offensif, accessoirement : allez savoir pourquoi, Zidane faisait avec un ballon ce qu’aucun des millions d’autres footballeurs, même les plus aguerris, ne parvenait à faire. Une feinte de corps, un passement de jambes, une roulette, une intuition céleste. Emotion, efficacité et technique. Par moments, il a fait de son sport un art. Aujourd’hui, le timide introverti se balade en conférence de presse. Pour le Ballon d’or 98, c’est maintenant que les emmerdes – toutes relatives – commencent. Remporter le championnat d’Espagne, en mai, face au grand FC Barcelone, ennemi juré, effacerait toutes les nuits sans sommeil.

* « Zidane, une vie secrète », de Besma Lahouri. 2008.