Enfin, yes they Khan. En élisant largement (57 % des voix), le 6 mai, le travailliste Sadiq Khan à la mairie de Londres, plus grosse métropole européenne, face au candidat conservateur et fils de milliardaire Zac Goldsmith, les Anglais ont démontré l’incroyable vitalité de leur démocratie. Et que Londres, vraiment, a l’énergie folle du cosmopolitisme, sous la flotte et dans le frog. Ce week-end, même certains des adversaires conservateurs de Khan ont dit leur fierté que leur ville porte au pouvoir une telle personnalité. Fair-play et justesse d’analyse.

Sans vouloir faire pleurer dans les chaumières : Sadiq Khan est issu d’une famille pakistanaise immigrée au Royaume-Uni. Il est le fils d’un chauffeur d’autobus et d’une couturière à domicile. Jusqu’à ses 25 ans, il a dormi dans un lit superposé, aux côtés de ses six frères et sœur, dans une HLM du sud de la ville. Pour ne rien arranger, ce féministe de 45 ans est fan du club de Liverpool, une injure publique dans une ville où prospèrent quatre grandes formations.

De ses frères et sœurs, qui ont tous fait des études, Sadik Khan a été le plus brillant. D’abord avocat spécialiste des droits de l’homme, puis un engagement sans faille et fidèle en politique. Le job qui l’attend n’est pas mince, mais il sait de quoi il parle : lutte contre des loyers exorbitants poussant à la colocation des cadres de 40 ans, qualité des transports publics, sécurité, propreté.

Si ce scrutin fait un buzz à l’étranger, elle passe, sur les bords de la Tamise, comme un courriel à votre collègue. Près de 40 % des 8,6 millions d’habitants de la mégalopole sont nés à l’étranger, et les Britanniques ‘blancs’ ne représentent plus que 45 %, les autres étant soit étrangers, soit des Britanniques issus des minorités immigrées.
C’est pas demain la veille que les Français, en proie à la peur et aux divisions, confieront une telle responsabilité à une personnalité issue de l’immigration. A un an de l’élection présidentielle tricolore, dont la campagne s’annonce déjà pathétique et vaine, cette leçon anglaise ne traversera malheureusement pas la Manche. « L’ascenseur social est complètement en panne en France », diagnostique l’économiste toulousain Jean Tirole, prix Nobel d’économie 2014, à l’occasion de la parution de son livre ‘Economie du bien commun’. Ah oui, il paraît que ce Khan est musulman. Mais ça, sincèrement, j’en ai rien à cirer.