A chaque fois, c’est le même cirque. L’annonce de la libération des z’otages, les larmes de crocodiles des médias bla-bla, l’atterrissage monarchique sur le tarmac de l’aéroport de Villacoublay, un président d’enterrement, prioritaire sur les enfants, qui serre les ex-captifs dans ses bras, les interrogatoires à la DGSE (ça fait sérieux), et le grand déballage radiotélévisé, prévisible et écoeurant. Des z’otages dont on a déjà oublié le nom, bien qu’il soit passé en boucle et en boucle. Soyez heureux pour eux, sinon, vous êtes de mauvais citoyens. Inutile de zapper : vous êtes cernés par cette info tentaculaire, qui fait le jeu, au final, des terroristes, dont le métier est de médiatiser la peur.

Nos quatre otages, retenus en Syrie depuis une petite année, sont revenus avec une pêche d’enfer. Pourquoi diable s’arrêter de vivre, à chaque fois, pour eux ? Quelle est, au bout du bout, la réelle légitimité de leur libération en termes d’information ? Que projetons-nous de si fantasmé dans la courbe cassée de leur destin – les geôles indicibles, l’Orient compliqué, la liberté chérie ? D’autres peuples s’embarrassent moins. Nos amis russes, par exemple. Un des leurs avait été enlevé au Liban. Funeste initiative. Les services secrets russes ont enlevé à leur tour le frère de l’un des ravisseurs. Ils leur ont fait parvenir le corps du frère découpé, morceau par morceau. Le lendemain, le Russe était libre. Plus soft, les Anglais et les Américains laissent aux diplomates et aux militaires le soin de gérer ces délicates affaires avec discrétion – au risque, il est vrai, de démoraliser leurs ressortissants, qui peuvent se sentir abandonnés.

Le plus drôle est la version officielle élyséenne : « aucune rançon n’a été versée ». Quel foutage de gueule. Comme si le charisme foudroyant de Laurent Fabius avait suffi à lui seul à convaincre des djihadistes fondamentalistes de lâcher quatre vies, sans contrepartie. La série syrienne s’achève sur des questions sans réponse. Avec quels alliés de la zone (Arabie Saoudite, Qatar ?) la France a-t-elle pactisé pour livrer des armes aux ravisseurs ? Le Parlement va-t-il un jour faire la clarté sur la part immergée de l’icerberg « secret Défense » ? Pourquoi les héros d’un jour ont-ils parlé avec tant de verve, presque le sourire aux lèvres, de la maltraitance et des sévices dont ils auraient été victimes ? Auront-ils un mot, dans leurs livres de Noël prochain, pour leur frère d’infortune, Gilberto Rodrigues Leal, otage français retenu au Mali et donné aujourd’hui pour mort ?