… et je te dirai qui tu es. On peut remercier Mark Zuckerberg et ses copains de Harvard pour avoir inventé la psyché universelle en temps réel. Les personnalités se reflètent sur le miroir du réseau social bleu et blanc, dont on ne sait plus s’il emprisonne, connecte au monde entier, accélère le temps ou ramollit le cerveau. Un peu tout ça, probablement.

Il y a les discrets. Soit leur compte est en sommeil, soit ils se servent de Facebook pour observer les actualités des autres. Espèces de voyeurs. À l’autre bout de l’échiquier, les hyperactifs égocentrés : avec eux, on vit un live aussi passionnant qu’une soirée sur France 3 : la pizza quatre fromages du vendredi soir en gros plan, le énième apéro chez la copine avec des gueules de déterrées sur le canapé – le maquillage a ses limites -, la fête au village (aïe), l’hôtel des vacances (aïe aïe), le week-end à Paris avec le catalogue de tous les monuments – on n’avait jamais vu Notre-Dame et Montmartre, ça tombe bien -, le concert, le mariage du cousin, le CDI enfin décroché (une fin en soi). Bref, besoin de parler d’eux-mêmes et que ça se sache absolument. Pas grave docteur, ça doit remonter à l’enfance. Évidemment, c’est toujours génial avec des gens heureux et en bonne santé. On pourrait aussi partager et liker les divorces, qui génèrent parfois, ma foi, des fiestas fort sympathiques. Voilà une idée de nouveau groupe.

Il y a les mamans parfaites, qui placardent avec les photos des chérubins les murs de leurs maisons et de leur profil. Sans jamais y apparaître, comme auto-effacées à jamais. Il y a les mecs, faussement doctes, qui recopient frénétiquement les dictionnaires de citations, sans aucun rapport avec la choucroute. Ou encore, les purs méchants, que tu ne connais pas mais qui t’assassinent dans un commentaire parce qu’une phrase anodine leur a déplu. J’en ai eu un récemment. À virer et bloquer illico. Quant aux fans d’actu ou de culture, ils sont malheureusement rares à partager leurs trouvailles géniales. Quel dommage. C’est qu’ils doivent se suffire à eux-mêmes. Les mordus de sport se lâchent davantage. Les grands enfants ne se suffisent pas à eux-mêmes. Les malins mettent un peu de leur vie mais pas trop : un exploit sportif, une destination inédite, distillés avec parcimonie, façon teasing.

Les pros utilisent cette vitrine gratuite pour communiquer sur leur actu, leurs projets, leurs réussites. Ne parlons même pas de la campagne présidentielle à venir, probablement la première, en France, à être vraiment digitale. Un pote barman poste des vidéos de ses confections acrobatiques de cocktails, dissèque sa nouvelle vie à Tokyo où il officie dans un grand hôtel, prend en photo ses billets d’avion et des vues affolantes de gratte-ciel, façon roman urbain global. Ses posts recueillent à chaque fois des dizaines de like. À 21 ans, le mec a déjà tout compris du personal branding. La Toile dit de lui qu’il est ambitieux et en mouvement. Ça ne sert à rien ? Connaître les gens revêt toujours une utilité. Quand il reviendra usiner en Occitanie, il aura apprécié la fidélité de mes like – car je suis sûr qu’il les regarde à la loupe, comme nous le faisons tous d’ailleurs -, et m’offrira deux mojitos. Merci Facebook !