Le voyageur de toujours embarque pour l’Eternel. Michel Bailly, président des Compagnons de Maguelone (Hérault), s’en est allé le 11 juillet, trois semaines après avoir soufflé ses 70 bougies, vaincu par un cancer du pancréas. Si un billet lui est consacré, c’est, d’une part, parce qu’il fait partie de ma famille – et mes pensées vont ce soir à Vincent et Laurence, ses enfants, à ses petits-enfants et à Geneviève, son épouse. C’est aussi parce que Michel a eu une vie extraordinaire et exemplaire, digne d’un roman. En ce sens, son histoire devient universelle et quitte l’intimité des siens. Les 350 personnes qui ont empli la cathédrale de Maguelone, ce lundi matin, ne s’y sont pas trompées.

Extraordinaire, car Michel fut un entrepreneur et voyageur infatigables – les deux étant liés, pour des raisons professionnelles, dans des activités de formation de cadres du secteur public à la gestion et à la comptabilité. Sa fille Laurence a lu ce matin, courageusement et selon la volonté de son papa défunt, une lettre qu’elle lui avait écrite, il y a deux ans, à l’annonce de la maladie, et où elle lui exprimait, avec une délicatesse toute féminine, son amour et ses souvenirs. « Même te sachant à l’autre bout du monde, quand j’étais enfant et adolescente, tu étais présent. Tu m’appelais la veille d’un partiel, en pleine nuit, pour me faire partager le carnaval de Pointe-à-Pitre. Et que de souvenirs partagés, toi et moi : la voiture coincée dans la nuit à côté d’un jaguar, le Venezuela en Jeep, la descente du Nil… (…) Tous ces voyages furent une façon de communiquer entre nous, loin des repères quotidiens. » Et de citer à propos le chanteur Antoine : « Partir c’est mourir un peu, mais rester, ce n’est pas vivre du tout. »

Exemplaire, car Michel sut s’imposer, par son optimisme, son entregent, sa passion et ses compétences, comme un grand nom du monde médico-social, multipliant les actions au bénéfice de la reconnaissance et de la valorisation des travailleurs handicapés, allant puiser des innovations et des bonnes pratiques à l’international. Les voyages, toujours. L’ESAT (établissement et service d’aide par le travail) des Compagnons de Maguelone emploie plus de 80 travailleurs handicapés, dans des métiers de services, de la restauration, dans la viticulture. Une vraie PME, qui communique mal, mais réalise un travail exceptionnel. Ce diplômé de l’Essec aurait pu se contenter d’une carrière confortable. Il s’est mis au service des plus faibles, de façon utile, sans rien demander à personne.

Quand vous passez dans le Midi, faites un détour par la cathédrale de Maguelone, édifice du XIème siècle, regardant la mer depuis bientôt 1 000 ans, ceint de vignes, d’étangs et de pins. « La Cathédrale de Maguelone, haut lieu de la Chrétienté méditerranéenne dans la région Languedoc-Roussillon, est un patrimoine roman exceptionnel, transmis par la tradition religieuse des évêques de Maguelone et de Montpellier, écrivait Michel. Actuellement, les Compagnons de Maguelone sont les gardiens de ce lieu. Dans un souci d’ouverture au plus grand nombre, ils veulent partager et faire connaître la beauté et la spiritualité de ce patrimoine hors du commun. Son site privilégié entouré de la mer et des étangs de l’Arnel, du Prévôt et de Pierre Blanche, son architecture robuste et dépouillée, son exposition à la lumière relayée par les vitraux contemporains de la cathédrale, nous convient à nous arrêter, à nous laisser imprégner de l’esprit de ces lieux. » Mais assez parlé. Bien que non croyant, j’ai allumé un cierge pour toi. Qui sait ? Ca marche peut-être, après tout. Salut Michel, et bon vent.