Avec son marché unique de 28 pays, l’Union européenne (UE) est l’une des principales puissances commerciales mondiales. Son économie est plus importante que celle des Etats-Unis, pour ce qui est de la valeur totale de l’ensemble des biens et services produits (15,3 milliards d’euros). Et si l’UE ne compte que 6,9 % de la population mondiale (si nous écrivons 500 millions d’habitants, ça claque beaucoup plus, comme quoi, une même réalité peut être présentée de façon totalement différente), ses échanges commerciaux avec le reste du monde représentent 15,6 % du volume total des importations et exportations mondiales. Pour un continent désindustrialisé, vieillissant et pas foutu d’avoir ses Gafa ou son Trump, il y a de l’espoir.

C’est un paradoxe. Alors que ses économies se remettent de la crise de 2008, en partie grâce à son action (plan coordonné de sauvetage des banques, mécanisme européen de stabilité financière, injection massive de liquidités par la BCE de super Mario Draghi…), l’Europe se trouve plus que jamais au bord de l’implosion. L’Angleterre va quitter la famille – en a-t-elle fait partie un jour ? -, au terme de shakespeariennes négociations entre Londres et Bruxelles. Les populismes montent, partout. Les élections du 26 mai sentent le soufre et la souffrance.

Il est temps que les institutions européennes, mises en place sur les ruines de 39-45, se réinventent, histoire de donner envie à nouveau. Quelle stratégie collective de défense, dans un monde de plus en plus dangereux, et alors que la France ne pourra pas indéfiniment contribuer plus que les autres aux efforts de guerre sur des théâtres extérieurs, comme le souligne le général Pierre de Villiers dans son livre « Servir » ? Comment traiter de façon cohérente la crise des migrants ? Comment gagner la course de l’intelligence artificielle ?

Comment, aussi, expliquer ce qui s’opère près de chez nous. L’Europe ne se limite pas à des méga-dossiers échappant à notre quotidien, comme le tout récent rejet (plutôt à propos, car une trop grosse taille de business risque de générer des rendements décroissants) du projet de fusion entre Siemens et Alstom. L’Europe, c’est aussi le financement de projets d’innovation, d’infrastructure, de revitalisation, jusqu’à l’aide à la reprise de l’épicerie du petit village. Le Comité européen des régions propose d’ailleurs depuis un an un cours en ligne gratuit sur les fonds de l’UE au plan régional et local.

Il convient aussi de regarder ailleurs. L’Iran fête aujourd’hui les 40 ans d’un régime théocratique dont le bilan économique et social s’avère désastreux, et pas uniquement du fait des blocus occidentaux. En Russie, il vaut souvent mieux être proche du pouvoir si on veut conclure de grosses affaires. Au Brésil, les scandales de corruption ont, entre autres causes, mené l’extrême-droite au pouvoir. En Chine ou en Turquie, les journalistes et les opposants politiques se retrouvent sous les verrous, quand ce n’est pas six pieds sous terre. Malgré ses balafres, sa rigidité trop techno et ses rides de vieille dame, l’Europe rassemble des dizaines de millions de personnes autour de valeurs communes, belles et trop souvent tues : l’Etat de droit, la priorité donnée à l’éducation, au savoir, à la formation et à la santé, l’indépendance de la justice et de la presse, le pluralisme, la non-discrimination, la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, la tolérance, l’égalité hommes-femmes. Ces mots, même sans hashtag, font sens.

Pour leur avenir, tous les jeunes électeurs devraient se rendre aux urnes en mai prochain. Cela ne sera pas le cas. Je trouverai l’énergie de les houspiller, ce samedi matin, lors d’un forum de l’orientation où l’on m’a proposé d’intervenir. En leur rappelant, pourquoi pas, que quatre pays européens ont gagné les quatre dernières coupes du monde de foot (Italie, Espagne, Allemagne, France). Si vous avez des arguments plus pointus en stock, je suis preneur !