Les jeux sont déjà faits. Le 13 septembre, à Lima (Pérou), le Comité International Olympique attribuera l’organisation des Jeux Olympiques 2024 et 2028 à Paris et Los Angeles. L’une des deux villes se verra attribuer 2024, et l’autre 2028. Suspense insoutenable en vue. La double-attribution est une nouvelle tendance, sur fond d’hostilité croissante des populations pour l’organisation de ce type d’événement. Pour les JO 2024, Hambourg a retiré sa candidature le 29 novembre 2015, après un référendum municipal. Rome a enchaîné le 11 octobre 2016, à la suite de l’opposition de la nouvelle maire Virginia Raggi. Budapest renonce le 22 février 2017, sous la pression populaire (260.000 signatures recueillies par une pétition citoyenne). Plus beaucoup de flamme pour l’olympisme. Alors, vite, remplir l’agenda avec les derniers volontaires en lice. Les autres grandes messes cathodiques subissent la même désaffection, comme en atteste une autre double-attribution, en 2010, pour les coupes du monde de foot 2018-2022 : gaz (Russie) puis pétrole (Qatar).

Paris n’a plus accueilli les Jeux Olympiques depuis 1924 et la flamme olympique a brûlé pour la dernière fois sur le sol français en 1992, lors des JO d’hiver à Albertville. 1924-2024 : un centenaire-slogan sur lequel vont se gaver pubards et communicants, et qui va vous abrutir pendant des mois. Anne Hidalgo, maire PS de Paris et Emmanuel Macron, président de la République, affichent un soutien messianique aux Jeux. Les VRP mouillent le maillot devant les caméras. Samedi après-midi,  le chef de l’Etat s’est essayé à des activités sportives ouvertes au public le long de la Seine, lors de la Journée mondiale de l’olympisme. But du show : promouvoir Paris dès 2024 – parce que 2028, hein, c’est loin. Il a notamment disputé une partie de tennis sur le Pont Alexandre-III – sur ses jambes et en fauteuil roulant – aux côtés de plusieurs joueurs, dont Lucas Pouille (connais) et Michaël Jeremiasz (connais pas). Sourire immuable aux lèvres et ton bon message de winner en bandoulière. « Il y a ce formidable esprit universel dans l’olympisme. Mais quand je participe, je préfère toujours gagner. C’est la petite entorse que je ferais à l’esprit de Coubertin. Je pense que Paris 2024, c’est un projet porté par tout le pays. »

On peut douter de l’esprit universel de la dernière phrase. Que donnerait un référendum posant la question suivante : « Êtes-vous d’accord pour financer à hauteur d’1,5 milliards d’euros* les Jeux Olympiques Paris 2024, auxquels vous n’assisterez pas ? » Sachant que les budgets dérapent toujours à la hausse. Sachant qu’1,5 milliard d’euros, c’est à la louche le coût de construction de 150 écoles neuves. Sachant que le coût de certaines infrastructures, pourtant réalisées pour les Jeux, n’est pas inclus dans le bilan final. Que les retombées économiques, brandies comme des vérités absolues, sont déjà à relativiser, entre stades moyennement pleins (et réservés à des VIP ne connaissant rien au sport) et risque d’attentat dont on ne sait pas ce qu’il sera dans 7 ans. Sans oublier les coûts induits. Comme la mobilisation, que l’on devine pharaonique, des forces de l’ordre, dans une période de l’année (août) où elles aspireraient à profiter de leurs familles. Mais je m’égare. Les jeux sont déjà faits.

* Paris 2024 prévoit une contribution de l’État à hauteur d’1 milliard d’euros, et des collectivités franciliennes à hauteur de 500 millions d’euros (Ville de Paris, Région Île-de-France, Département de Seine-Saint-Denis).