Ce mardi 8 janvier, inauguration très géopolitique de la ligne à grande vitesse espagnole entre Figueras et Barcelone. Cette liaison ferroviaire va mettre Perpignan et Montpellier à respectivement 45 mn et 2h20 de la capitale catalane dans les prochains mois, au lieu de deux fois plus environ aujourd’hui. Etre ainsi raccordé à la plus riche région d’Espagne, forte de 7,5 millions d’habitants, est une manne économique potentielle pour le Languedoc-Roussillon. Guillaume Pépy, big boss de la SNCF, déclare à ce sujet : « La ligne Barcelone-Figueras-Perpignan-Montpellier a une vocation méditerranéenne. Elle est dans l’esprit de l’eurorégion. Ce projet n’est pas conçu par rapport à Paris. » Une banderille bien placée : côté français, les collectivités, chambres consulaires et offices de tourisme communiquent et réunionitent beaucoup… mais toujours pas sur cette ‘transpyréenne’ des Ramblas et des tapas.
C’est qu’à trop regarder vers Paris, on en oublie nos voisins naturels. Cette cartographie mentale ethnocentrée castre l’âme, bride les flux d’affaires, favorise les complexes et inhibe les talents. Pire : elle conditionne à l’échec. J’entends encore des confrères s’indigner du passage éclair (4 mois) de l’ancien préfet de région, Thierry Lataste. « Comment le Languedoc-Roussillon pourra-t-il sortir du marasme avec des décideurs de passage, qui n’ont pas le temps de faire avancer les dossiers », ergotaient-ils.
Quelle erreur d’appréciation ! Le développement d’un territoire dépend de la volonté de chacun. Du cœur que l’on met à l’ouvrage. De la rigueur que l’on place en chaque chose – le souci du détail, mon fils. De l’intelligence qu’on déploie à fédérer les énergies, anticiper les enjeux d’avenir et dépasser les egos. De l’énergie qu’on injecte à se former et se projeter. De sa capacité à faire sauter les frontières et prés carrés. De son aptitude à pousser la porte d’une médiathèque (on n’en manque pas) au moins une fois par mois. Voilà la vraie décentralisation ! Bien sûr, et c’est une fierté, Paris restera toujours un phare, un poumon, un papa à qui on doit le respect, une artère clé, avec plein de cadres sup’ tout gris au mètre carré. Je laisse la conclusion à Claude Baland, préfet de la région Languedoc-Roussillon entre 2009 et 2012, promu directeur général de la police nationale par Manuel Valls. « Les gens du Sud sont paradoxaux. Ils critiquent Paris et en même temps, ils en attendent tout », disait-il souvent, un sourire au coin des lèvres.