C’est une mode bien de chez nous : se réunir pour parler. Ce mardi débute, pour deux mois, le grand débat national. Avec quatre thèmes : transition écologique, fiscalité, citoyenneté et organisation de l’Etat et services publics. Objectif : éteindre les désordres causés par les gilets jaunes. Il s’agit de « donner la parole à ceux qui ne l’ont jamais », défend Sébastien Lecornu, ministre des collectivités territoriales. Et, pour le président de la République, rudement secoué, de « tenter de relancer son quinquennat », barre la Une du Monde du 15 janvier, en « restaurant le dialogue rompu avec les Français ». Preuve de bonne volonté, des maires ruraux – à ce titre doublement étrangers au chef de l’Etat – ont été reçus à l’Elysée.

Dans sa lettre, Emmanuel Macron s’engage à « tirer toutes les conclusions » du débat afin de « structurer l’action du gouvernement et du Parlement ». Mais de quoi va-t-on parler, aux six coins de l’Hexagone, dans cette opération ficelée à la hâte, sur fond d’impopularité croissante de l’exécutif ? Et qui va réellement participer ? C’est qu’il faut aller chercher les gosses à l’école, vérifier son impôt à la source, acheter la galette à la frangipane et préparer les ponts du mois de mai.

Les doléances fourre-tout, naviguant aux confins de l’absurde, tournent déjà à plein régime : « Grand plan d’isolation des logements pour faire de l’écologie en faisant faire des économies aux ménages » (très bien mais qui paie ?), « Smic à 1 300 euros nets », « pas de retraite en-dessous de 1 200 euros », « zéro SDF : urgent », « fin de la politique d’austérité », « salaire maximum fixé à 15 000 euros », et le meilleur pour la fin, « que des emplois soient créés pour des chômeurs ». Le ministre de l’Intérieur estime même possible un retour aux 90 km/h transformés en 80 km/h en 2018 par le Premier ministre. Les députés de la majorité vont s’amuser dans leurs circonscriptions respectives. Drôle d’époque. A trop vouloir concerter, à trop subir l’émotion des images et l’info instantanée, on en perd le fil du long terme et d’un cap clair. Les chefs d’Etat (pas que d’Etat, au demeurant) doivent presque s’excuser de l’être, les policiers d’être policiers et les journalistes d’être journalistes, dans une période de tensions civiles qui sembleraient nécessiter – et sans doute le demandent-elles en creux – un regain d’autorité.

Quelles seront les conséquences de ce débat national ? Une dissolution de l’Assemblée nationale ? Des projets de loi ? Un référendum d’initiative citoyenne ? Pas grand chose ? En attendant, et puisqu’il faut tirer jusqu’aux élections européennes de fin mai, et que l’été émollient suivra, on a la garantie que rien de concret ne sera décidé jusqu’à, au moins, septembre prochain. Peut-être se cache là le but ultime de la manœuvre : masquer l’incapacité – momentanée ou plus profonde, délibérée ou subie, inquiétante ou promesse d’un futur meilleur : je vous laisse cocher les bonnes cases  – d’agir.