… et moi le premier. Grosse erreur de lecture de la vie politique outre-Atlantique, dans le billet de lundi dernier, où je misais sur la victoire d’Hillary Clinton – en maniant, tout de même, le conditionnel, ouf. « Tu lis trop les journaux », a ironisé un pote. Ça m’apprendra à anticiper un vote, qui a sacré le Républicain Donald Trump, 70 ans, 45ème président des États-Unis.

Dans la vie, mieux vaux ne parler que de ce que l’on connaît. Je sentais mal la finale de l’Euro 2016 contre les Portugais, parce que, justement, elle était gagnée d’avance : je m’y entends davantage en foot qu’en politique ricaine. Manque de bol, ce match de foot tombait un dimanche, veille de billet du lundi.

Maigre consolation : on s’est (presque) tous trumpés. Quand quasiment tous les instituts de sondage donnent vainqueur le camp démocrate, sur plusieurs mois, on s’attend à ce qu’ils voient juste. C’est leur boulot. À moins qu’ils n’aient menti délibérément pour tenter d’inverser le résultat final. Résultat qui traduit le mal-être des classes moyennes, boxées par la mondialisation financiarisée, et se sentant reléguées, en marge des métropoles hyper-connectées, hyper-jeunes, hyper-compétitives, hyper-tout. Un peu hâtivement, dans cette histoire, les médias occidentaux sont assimilés à une « caste » élitiste, à laquelle ils appartiendraient, dont ils joueraient le jeu et qui les couperait des vrais gens. Oui et non.
Certes, les chefs de service et directeurs de la rédaction des quotidiens nationaux ont rarement, voire jamais, mis les pieds dans une foire aux bestiaux, un kop de foot, un bus de banlieue ou un logement social. Faut-il les en blâmer pour autant et doit-on en faire un critère de recrutement ? Certes, sur les 35.000 journalistes encartés en France, très peu voteront en avril Marine Le Pen à la présidentielle – en tout cas, très loin du score que celle-ci réalisera, et je préfère ne m’engager sur aucun pourcentage.

Mais en même temps, pour la grande majorité d’entre eux, les journalistes rapportent les données que leur transmettent les prétendus experts. On ne sait pas tout, on bosse dans l’urgence, on nous manipule plus que nous manipulons sciemment, on bosse beaucoup sans être (mais alors vraiment pas) les rois du pétrole, et il faut bien se fier à des sources pour pondre des infos. Pour Trump, l’erreur originelle provient des sources elles-mêmes, même si notre erreur collective a été de les croire sans la retenue qui convient.

Je ne vais pas m’égarer en Donald Trump-décryptage. Donald Trump, une marque autant qu’un homme, milliardaire, populiste, hyper-conservateur (anti-avortement), transgressif, promoteur et show-man, jamais élu auparavant et révolutionnant tous les codes de la communication politique. C’est la défaite d’une dynastie – Clinton -, dont le peuple a dit ne plus vouloir, soit en votant Trump, soit en s’abstenant en masse. C’est aussi le splendide paradoxe de la politique : Barack Obama est un président populaire, mais son investissement personnel dans le sprint final n’a pas fonctionné. Même si Clinton remporte le vote populaire, et aurait donc été élue au suffrage universel direct.

Le monde saute dans l’inconnu, mais il y a des garde-fous : l’administration américaine, la solidité des institutions, un Congrès rempli de Républicains détestant Trump et prêts à en découdre, et la réalité de la situation, qui empêchera ce dernier de concrétiser tous les points d’un programme parfois incohérent – baisse des impôts/relance des investissements publics, notamment. Par ailleurs, les élus se comportent souvent différemment des candidats qu’ils ont été. Les premiers pas de Trump président sont à ce titre vaguement rassurants.
Sur la forme, les conditions de sa victoire resteront dans les annales. Le candidat a trumpé dans un live-tweet proche de la perfection. Une arme de communication gratuite, chacune de ses saillies ou insultes étant reprise par les internautes, ainsi que par des médias peut-être contre lui, mais loin de le boycotter pour autant.