C’est le leitmotiv des opposants au mariage pour tous, dont la loi sera votée la semaine prochaine à l’Assemblée nationale : « Les enfants ont droit à une papa et une maman. » Depuis les manifs anti-Pacs (pacte civil de solidarité), en 1999, un glissement linguistique s’est opéré. Il y a 14 ans, on voyait fleurir des banderoles carrément homophobes, du genre « les pédés au bûcher ». Avec une députée hystérique qui brandissait la Bible dans l’Hémicycle. Impensable aujourd’hui, et heureusement ! Pour survivre, les lobbys religieux et conservateurs doivent innover. Et pourquoi ne pas instrumentaliser l’image pure et immaculée des z’enfants comme emblème anti-mariage gay ? Entendu 1 000 fois dans les manifs : « On n’a rien contre les homos, juste, ce n’est pas une bonne chose qu’ils puissent élever des enfants. » Une ficelle aussi grosse que malsaine. Car rien ne prouve, d’un point de vue médical et scientifique, que les gosses d’hétéros sont moins désaxés et plus solides que leurs copains d’école élevés par des homos.
Quant aux énigmatiques « droits des enfants »… Dis papa, depuis quand les mômes, ils ont des droits, au fait ? Depuis quand s’intéresse-t-on vraiment à nous ? Le rythme scolaire, même réformé, il est fait pour les vacances des profs et les gosses de riches qui peuvent partir au ski. Et puis, un papa et une maman, c’est peut-être plus naturel que deux papas ou deux mamans, mais c’est pas une garantie de bonne humeur et d’assiettes qui ne volent pas à la maison.
C’est pas faux, mon loulou. Je peux faire de toi ce que je veux, ou presque. Je n’ai pas le droit de te frapper, de t’apprendre le salut nazi ou de te laisser mourir de faim. A part ça, c’est open bar. Dans la quiétude du foyer, je peux t’enseigner la haine des autres, te faire grandir dans l’ignorance et la télé poubelle, t’utiliser comme une arme pour pourrir l’ex-conjoint, te faire partager ma vie de patachon et mes amis minables, t’affubler de prénoms ridicules de plantes, de fleurs ou d’empereur aztèque, te transmettre mes névroses identitaires, embrigader ton âme – politique, religion,… -, t’infliger les pires violences psychologiques : mépris, dévalorisation, jugement, autoritarisme. J’ai tous les droits sur toi, qui ne pourras jamais manifester.