Des fois, il vaut mieux fermer sa gueule. En plaçant l’Hérault et le Gard en vigilance rouge « pluie-inondations » pour tout le week-end, les préfectures ont déclenché un orgasme collectif chez les médias. « Ca va être mons-tru-eux », « le ciel s’acharne », « les nuages sont bien noirs ce soir », « le Sud s’attend au pire », ai-je pu entendre, ou, je l’avoue, moi-même écrire (bit.ly/1rpTegZ), par facilité de titre.

Diffusion frénétique sur les réseaux sociaux des cartes de Predict Services, appels obscènes lancés par les journaux généralistes aux citoyens pour qu’ils envoient des photos et vidéos de leurs cuisines inondées, estafettes de BFM TV avec, devant, des journalistes butant sur les spécificités régionales (vidourlades, cadereau ou autre nom de bleds en « argues » – Marsillargues, Baillargues, Candillargues, Vendargues et caeterargues…) Bref, un bataillon de parisiens venus cloporter, pardon, colporter, quelques pipis célestes, pour alimenter l’ogre de l’info continue. Prêts à sauter sur le premier sans-dent gardois mouillé.

Revenons à nos moutons de nuages. C’est ballot pour les prévisionnistes : il est tout juste tombé quelques seaux d’eau sur les très urbanisés hauts cantons et piémonts cévenols. Pas une seule goutte sur la majeure partie du territoire concerné ! Météo France aurait-elle des actions à BFM ?

Une alerte rouge n’a pas pour seul effet de vendre du papier et de faire peur aux enfants. Elle génère de lourdes conséquences économiques. Exemple, elle a fait foirer la foire internationale de Montpellier 2014 (qui rouvre ce lundi et se déroule jusqu’au 20 octobre), en entraînant sa fermeture le jour de sa plus grande affluence (dimanche, plus de 10 000 visiteurs attendus). Et, dans ces cas-là, l’organisateur (Montpellier Events) n’a guère le loisir de négocier avec l’Etat.

Le fait qu’il n’y ait pas eu de morts lors des derniers épisodes (costauds, ceux-là) n’est pas lié aux alertes à répétition. Déjà parce qu’à force d’alertes, on ne les écoutera plus. Ensuite parce que le système baigne dans l’incohérence. Le 29 septembre, alors qu’il pleuvait des murs d’eau sur Montpellier depuis 12h30, l’alerte rouge n’a été déclenchée qu’à 16h. Et tous les établissements scolaires ont été fermés le lendemain, alors que l’épisode était déjà passé. Allez y comprendre quelque chose.

Ce bilan vierge de drames, excepté les 4 morts de Lamalou-les-Bains mi-septembre, tient surtout aux aménagements considérables (pour la seule protection de la basse vallée du Lez : 48 millions d’euros injectés, vos impôts) réalisés officiellement pour dompter les crues capricieuses – en réalité, pour protéger des centaines d’habitations construites en zone inondable. Il relève aussi, tout simplement, du miracle. Un peu d’humilité dans l’humidité.