Saleté de temps. La dizaine d’épisodes cévenols qui se sont abattus sur la façade méditerranéenne depuis deux mois et demi ont causé la mort d’au moins 24 personnes, selon les autorités. Sans compter les sinistrés par centaines. 24 morts de trop, bien sûr. Mais vu l’ampleur du déchaînement céleste, et le poids démographique du Sud du pays (près de 7 millions d’habitants entre régions Languedoc-Roussillon et Paca), c’est une prouesse.

Prouesse qui valide beaucoup de choses : la généralisation des systèmes d’alerte, la réactivité des services de l’Etat – comme ce week-end, avec l’évacuation préventive de 3 000 personnes menacées par la montée des cours d’eau dans l’Aude et les Pyrénées-Orientales -, le courage des pompiers et gendarmes – des hélitreuillages à la nuit tombante, en pleine apocalypse -, l’efficience d’aménagements de protection – comme ceux réalisés entre 2007 et 2014 le long du Lez à Lattes (Hérault), et qui ont probablement évité une catastrophe lors des pluies diluviennes du 29 septembre dans la région de Montpellier.

N’oublions pas les maires. Pour pas un sou de plus, ils ont soutenu les leurs, coordonné la logistique, affronté parfois l’indicible (l’annonce des décès aux familles) et passé des nuits blanches au sein des PC de crise. Je me souviens de Frédéric Gras, maire de Saint-Césaire-de-Gauzignan (Gard), après que trois – la mère et deux enfants de 1 et 4 ans – des quatre membres d’une famille ont trouvé la mort, noyés alors que papa tentait de franchir en voiture, à minuit, un pont submergé, pour éviter de faire un détour de 10 km (https://www.hubertvialatte.com/news/intemperies-le-pont-du-moulin-paradis-dans-le-gard-un-piege-selon-les-riverains/). Je m’en souviendrai longtemps : les traits tirés de Frédéric Gras, son regard embué, sa voix chancelante, son texte sobre, devant l’oeil implacable des micros et les caméras, et face à nos questions voyeuses, le lendemain à 16h, sous le soleil revenu. Il faut rendre un hommage unanime, à Frédéric Gras, et à tous les héros anonymes.

Concrètement, que voit-on ? Plus facile à dire en images. Des voitures emportées par les flots et retrouvées sens dessus dessous, un bord de mer (campings, hôtels-restaurants) dévasté – il était déjà pas terrible, diront les vilaines langues -, des routes éventrées, des hectares de vignes et d’exploitations agricoles hors d’usage, des quartiers coupés du monde, comme à Argelès-sur-mer (Pyrénées-Orientales) ou Sigean (Aude). Et des populations sous pression, après des alertes à répétition.

Se méfier des superlatifs du type « on n’avait jamais vu ça ». Le Sud excessif sait alterner de terribles canicules avec de tels déluges : Nîmes en octobre 1988 (11 morts), l’Aude en novembre 1999 (35 morts), le Gard à nouveau en 2002 (22 morts). « Ces inondations de 2002, c’est mon plus fort souvenir de président du conseil général du Gard : c’était, partout, un paysage de guerre », me confiait il y peu Damien Alary, actuel président de Région Languedoc-Roussillon.

Les deux seules bonnes nouvelles de ces drames : la facture des réparations – des centaines de millions d’euros -, donnera du travail aux gars du BTP. Par ailleurs, les sinistrés hébergés dans des meublés de fortune ont enfin l’excuse qu’ils cherchaient depuis 25 ans pour échapper à la préparation du repas de Noël en famille.