Certes, il s’agit de scrutins intermédiaires, à forte abstention. Certes. Mais quand même. Encore en tête du premier tour d’une législative partielle – hier dans le Doubs -, le Front national a instauré un lien durable avec une partie du peuple français. Son leader, l’avocate Marine Le Pen, a su, dès 2010, faire le ménage dans ses rangs, pour « nettoyer » le FN des royalistes encombrants, catholiques intégristes ou autres groupuscules d’ultra-droite. Tout en s’entourant de gens intelligents et mesurés, comme Florian Philippot, son vice-président de 33 ans, ancien haut fonctionnaire de l’Inspection générale de l’administration, ou la redoutable Marion Maréchal Le Pen, 25 ans, que je vous conseille de suivre de près.

Si le FN a pris du galon, pour devenir l’un des trois premiers partis politiques de France, ce n’est pas uniquement en surfant sur des éléments qui lui sont extérieurs – chômage de masse, Europe financière et passoire, fiscalisme, flambée de l’Islam radical, décomposition de l’UMP et du PS. Non, si le FN monte, c’est aussi parce que son discours simple, moins violent, très pro dans la communication (exit les dérapages racistes et homophobes), répond à une partie des peurs et incompréhensions actuelles des Français.

A côté du peuple du dimanche 11 janvier, fier de ses crayons, et qu’on a vite fait d’assimiler au peuple de France tout entier, évolue ce peuple de l’ombre, celui des retraités de misère, des sans-grades, des ouvriers, des ruraux, des petits commerçants.

Il y a la photographie : dans les sondages d’opinion, la majorité des Français continuent de juger Marine Le Pen comme peu fréquentable. Et dans les intentions de vote pour 2017, sa victoire finale semble encore à ce jour improbable. Il y a la photographie, et il y a les courbes : le Rassemblement Bleu Marine tisse sa toile, sur fond de climat social explosif et d’euro-hostilité. Syriza en Grèce, Podemos en Espagne : la vague anti-Bruxelles prend des allures de tsunami populaire qui ne se limite pas à nos frontières.

Eliminée sans gloire de cette législative partielle, l’UMP de Nicolas Sarkozy doit trancher en termes de consigne de vote pour le 2ème tour. Pour affirmer des valeurs, fixer un cap, unifier. Survivre. Pour NKM, plutôt mourir que d’appeler à voter FN au 2ème tour – d’après elle, la nouvelle vitrine de ce parti ne change rien à son fonds de commerce. Pour d’autres mentors, comme Bruno Le Maire, le concept de front républicain (ce « couple sado-masochiste », selon le député Gilbert Collard) ne peut plus tenir car « il est une manière pour nous de se défausser et de ne pas chercher ses responsabilités ». Sarkozy court depuis dix ans après les électeurs du FN – avec succès en 2007, en vain en 2012. Voulez-vous une 3ème séance en 2017 ? Si ce n’est pas un droit d’inventaire, ça, alors je rends ma carte de presse.