Du parfumeur Sephora (LVMH) aux moins sexy, mais très puissants, Leroy Merlin et Castorama : même combat. Alors que la France compte plus de cinq millions de chômeurs, et que son économie patine, de récentes décisions de justice viennent d’interdire à des salariés de ces enseignes de travailler en nocturne ou le dimanche. Empêchant par là-même les clients de consommer, et les employés, souvent au Smic, de bénéficier de majorations décisives dans leur vie quotidienne. Une fronde s’organise : 101 salariés ont assigné vendredi en référé les syndicats du commerce de Paris (bit.ly/19NfEBH). Hier, 14 magasins Castorama et Leroy Merlin d’Ile-de-France ont bravé l’interdiction (bit.ly/1fTWGyi).

Pas question, naturellement, de remettre en cause la souveraineté, l’indépendance et la qualité de la justice. La loi est la loi, avec son aspect coercitif, mais protecteur. Par exemple, pour construire ses stades de l’Euro 2016, la France n’a pas recours à des filières esclavagistes et les ouvriers ne meurent pas comme des mouches sur les chantiers, comme c’est le cas au Qatar, gros consommateur de Népalais pour sa coupe du Monde du pétrole en 2022 (bit.ly/16Wi2nO).

Reste que la loi actuelle pèche par incohérence. Pourquoi brimer les bricoleurs du dimanche – une espèce en plein boom, l’heure étant davantage aux aménagements intérieurs qu’aux acquisitions immobilières -, alors que les Truffaut et autres Botanic sont, eux, ouverts le dimanche ? Pourquoi Sephora doit-il tirer le rideau à l’heure du film, alors que le magasin est situé sur une artère commerciale plutôt fréquentée (Champs-Elysées) ? Il faut, par ailleurs, arrêter l’hypocrisie du ‘repos dominical’. La France n’est plus catholique depuis 108 ans. La vie ne s’arrête pas le dimanche. Les policiers, les infirmières, les urgentistes, les cuisiniers, les serveurs, les gardiens de musée, les boulangers, les fleuristes, les cheminots, et j’en passe, bossent le jour du Seigneur. Même les journalistes. C’est dire.

Le débat dépasse le cadre franco-français. Pour ne plus passer, auprès de nos partenaires, pour le dernier pays communiste de l’Union Européenne, il va bien falloir laisser les gens libres de travailler (ou pas) et d’acheter (ou pas). Desserrer l’étreinte. Aller beaucoup plus loin que le Casto du coin. Il s’agit d’ouvrir certaines administrations – collectivités, Urssaf, services fiscaux… (au moins le samedi), et de lâcher la bride, le dimanche, aux grandes surfaces, salons de coiffure, concessionnaires auto ou autres boutiques de téléphonie. Bien sûr, que tous ne soient pas ouverts, mais qu’il y ait a minima un roulement, à la manière des pharmacies de garde. La ministre du commerce et de l’artisanat, qui ne sert à rien, a annoncé l’organisation de « réunions » pour « dialoguer » et « se concerter ». Décidément, la réforme du rapport au travail, c’est pas pour demain.