Les vieux clichés ont la peau dure, et les vaincre exige une foi de charbonnier. Lors de l’organisation en province (régions pour les initiés) de débats, tables rondes, forums, colloques, assemblées générales etc., les organisateurs aiment parfois à se rabattre sur des « grands noms parisiens », pour des prestations d’animation ou des sortes de grands oraux.

Pour ne citer qu’eux : Jacques Attali, le mec qui donne envie de se pendre à un homme devenu papa depuis dix minutes ; François Lenglet, le mec labellisé France Télévisions, statue du commandeur qui parle chiffres avec des flèches et des colonnes ; Bernard de La Villardière, le mec de Paris qui parle en marchant* ; Nicolas Bouzou, le mec iconoclaste, pas le pire de tous – on est amis sur Facebook, c’est dire.

A chaque fois, et j’écris en connaissance de cause, il ressort que ces éminentes têtes de gondole connaissent le territoire local – ses spécificités, ses déchirements, ses acteurs, son actualité, ses enjeux, ses dossiers à suivre -, comme je m’y connais en tragédie lyrique ou en cueillette des olives en basse Provence. Et ils sont chers, très chers : entre cinq et dix fois ce que prendrait un prestataire local, et encore, après que ce dernier a négocié pied à pied.

Pourquoi cette contradiction, entre les discours encensant les talents du coin et des actes cédant parfois à la faiblesse des inaccessibles étoiles ? « Lenglet fera venir du monde, il fait frémir le populo », « Attali fera parler de nous », entend-on dans les officines. Raisonnement identique, d’ailleurs, pour les urbanistes ou les architectes. Bon nombre de collectivités ont recours à des grands noms parisiens, voire internationaux, de l’acte de bâtir et de l’aménagement urbain : Zaha Hadid, BIG, Sou Fujimoto, Joan Busquets… Marketing territorial, jeune homme. Garantie de plein d’articles (entendez : publicités gratuites) dans la presse natio. Et beaucoup d’archis, locaux mais talentueux quand même, peinent à joindre les deux bouts.

Des initiatives, récentes et heureuses, nuancent le tableau. Avec son prix « Pulse », EDF (www.pulse.edf.com) parraine des start-up dans les domaines de la transition énergétique ou du numérique. A Labège (Haute-Garonne), la SNCF va ouvrir une maison du digital au sein à l’IoT Valley. Il s’agira de la 4ème maison du digital de l’opérateur ferroviaire, après celles, notamment, de Paris et San Francisco. L’idée est de travailler,  » souvent sur des périodes courtes (entre 6 et 18 mois), avec les jeunes pousses de Toulouse, explique Pierre Boutier, directeur de SNCF Réseau en Midi-Pyrénées. Les start-up peuvent nous apporter beaucoup en termes de matériel roulant, de maintenance et d’entretien du réseau – télédiagnostic, maintenance non plus préventive mais prédictive à terme. »

Quant aux collectivités, conscientes du désastre du chômage, elles mettent en oeuvre des ‘Small Business Act’ pour favoriser l’accès des marchés aux PME tout en restant dans les clous de la loi : futur Parc Expos de Toulouse, dont les modalités d’attribution des marchés ont été exposées vendredi, ou, du côté de l’exécutif de la Région Languedoc-Roussillon/Midi-Pyrénées, la présentation ce lundi aux professionnels d’une statégie globale, incluant allotissement des marchés publics régionaux, mise en place de groupements d’entreprises de manière plus systématique, meilleure communication en direction des entreprises, et formation des chefs d’entreprises pour mieux appréhender le code des marchés publics. Allez, je veux bien conclure sur cette note d’optimisme, même si je ne parle pas encore en marchant.

* Pour un débat du Cobaty Nîmes, le 28 avril prochain.