La communication gouvernementale, de droite comme de gauche, m’inspire la plus grande méfiance. C’est mon boulot. Mais cette fois, je gobe. J’ai été touché, comme des millions de Français, par les larmes de l’adjoint de sécurité Kévin Philippy, 29 ans, alors qu’il recevait la médaille d’or de la sécurité intérieure, place Beauvau, le 21 mai, après avoir fait preuve « d’une extrême maîtrise », pour reprendre les termes du ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve, lors de l’attaque d’une voiture de police par un groupe d’extrémistes bien blancs et bien gaulois, à deux pas de la place de la République, le 18 mai. Les images ont fait le tour de la Toile : véhicule des fonctionnaires incendié, et deux policiers qui s’en tirent sans trop de casse – 4 et 10 jours d’incapacité totale de travail, quand même. Kévin, qui allait pointer à Pôle emploi, sera finalement promu gardien de la paix, après avoir échoué au concours. C’est une belle histoire. Ne la boudons pas : il est dimanche soir et il pleut.

16 mois après les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher, 6 mois après les carnages perpétrés en plein cœur de Paris, « tous les Français sont à côté de la police », ose François Hollande. La preuve : l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) recense, en 2014, 12.450 policiers et 1.769 gendarmes blessés en service ou en mission – tous ces blessés ne sont donc victimes de violences de citoyens, rappelle le toujours vivant journal ‘Libération’. On ira expliquer la nuance au policier grièvement blessé le 28 avril à Paris dans des heurts avec des manifestants anti loi Travail, après avoir reçu un projectile à la tête et perdu connaissance.

Cibles d’une jeunesse ultra-minoritaire mais ultra-violente – on devine les messages délivrés par les parents –, les CRS et policiers ne dérapent à ce jour pas, ou peu. Honnêtement, je me demande comment ils font. Une solide formation, et des consignes hyper-strictes, sûrement. Peut-être ces débordements sont-ils une orchestration désespérée de l’exécutif pour faire monter le vote FN en 2017, et plomber la droite à qui la victoire tend les bras. Peut-être cet exécutif laisse-t-il faire, pour éviter l’escalade de violence et un mort redouté. Peut-être le mode opérationnel des flics est-il parfois inadapté face à des ‘manifestants-casseurs-ultra gauche’ connectés, entraînés, prêts à en découdre, et agiles sur le terrain. Peut-être, plus simplement, le pouvoir est-il complètement dépassé et n’a pas de réponse.

Peut-être. Je sais pas. Je m’en fous. Une certitude : les images de forces de l’ordre rouées de coups par des jeunes adultes de 15-25 ans, et ne pouvant répliquer, sont sidérantes. Désastreuses. A l’intérieur des frontières, comme depuis l’étranger. Un monde à l’envers, de l’ordre du dérèglement cosmique. Après une année 2015 en enfer, et alors que l’état d’urgence est prolongé, que l’Euro 2016 arrive, que la menace terroriste reste élevée et semble pérenne, on a du mal à comprendre que des policiers, CRS en tête, soient agressés. Gratuitement, qui plus est. Idem, d’ailleurs, pour les profs, les instits, les pompiers, les élus des communes, les journalistes : les attaquer, c’est attaquer la France.

Même le chanteur Renaud, anarchiste dans l’âme, scande « J’ai embrassé un flic ». La chanson, allusion à la grande marche républicaine du 11 janvier 2015, ouvre son dernier album et lui vaut – quel plus bel hommage ? – d’être interviewé sur le blog de la préfecture de police (prefpolice-leblog.fr/interview-le-chanteur-renaud). « J’ai embrassé un flic / Entre Nation et République / J’ai embrassé un flic / Ça change des coups de triques / J’aurais pas cru y’a trente ans / Qu’au lieu de leur balancer / Des pavés à tour de bras / J’en serrerais un contre moi. » Un peu de poésie dans ce monde de brutes.