Pas de dossier de presse-propagande, pas toujours la cravate, le culte du jean, une gueule d’acteur barrée d’un sourire carnassier. Des conférences de presse parfois improvisées dans un bar de quartier où il a ses habitudes – les Super Vedettes, estaminet à intégrer dans les circuits touristiques de la ville. Des militants ou responsables associatifs qui posent des questions au milieu de celles de la presse. Des journalistes qu’il interpelle par leurs noms, voire leurs prénoms (pour les filles), vieille ficelle de communicant qui invente une proximité, et place l’interlocuteur dans une soumission. De longues phrases plutôt bien foutues, pétries de références historiques… Depuis un mois, Philippe Saurel, nouveau maire (DVG) de Montpellier et président de l’agglomération, 56 ans, imprime son style. Lettré mais direct, souriant mais cassant, hyperactif et passionné. Moderne. Pas près de pardonner à ses anciens copains socialistes, qui l’ont exclu, et traité de « clown » et de « traître », après qu’il a décidé, fin 2013, de présenter sa propre liste, face à celle du candidat intronisé par les militants.

Ajoutez-y un côté Lucky Luke du Sud : Saurel l’ambitieux déclara sa candidature pour les municipales de 2014 dès avril 2010, au nez et à la barbe de tous les caciques du PS ; à la mort du grand Georges*, il fut le premier élu local à réagir sur les chaînes d’infos continues, annonçant la guerre de succession à gauche. Guerre gagnée avec les dents le 30 mars 2014, où il emporte facilement la capitale régionale – sa ville, où il est né et dont il n’est jamais parti -, à la tête d’une liste citoyenne dissidente, déjouant tous les pronostics des sondages et des médias. Dix points d’avance ! « Les Montpelliérains m’ont demandé de gouverner. Je vais gouverner », proclame-t-il lors de son discours d’investiture, le 6 avril. « Je me régale », répète aujourd’hui en boucle le chirurgien-dentiste d’Antigone.

Dix ans qu’il attendait ça. Alors, depuis début avril, et après une si longue attente de nuit d’amour, il pleut du neuf sur le Clapas : moratoire sur la ligne 5 du tramway, finalisation de la ligne 4, passage en régie publique de l’eau, nouvelle carte du logement social (« je n’ai pas envie que Montpellier ressemble à Sarcelles »), transfert des mariages à Grammont, gel du projet de quartier d’affaires « Oz », autour de la future gare TGV, fin de la marque Montpellier Unlimited, qu’aucun élu n’était capable de prononcer correctement in English, et dont les modalités d’attribution du marché font actuellement l’objet d’une enquête par la brigade financière du SRPJ.

Oui, il pleut du neuf. J’ai même vu, spectacle hallucinogène pour un Montpelliérain, des policiers verbaliser des voitures stationnées en double-file – comme elles le sont toujours, et en toute impunité – dans le quartier de Figuerolles. Interrogé sur son rôle dans cette révolution en képi, ce proche de Manuel Valls dit entendre « faire appliquer la loi » dans la 8ème ville de France. Et « soigner ses habitants ». Pour un peu, il y aura des places en crèche, le tramway poussera ses rails jusqu’à la mer (encore 1 km d’efforts) et les bars de la place de la Comédie serviront des cafés après 17h.

* Frêche, le 24 octobre 2010.