Brexit et élection de Trump en 2016, proclamation avortée de l’indépendance catalane fin 2017, ça on le sait. On l’écrit moins : sur quinze pays de l’Europe de l’Est, sept – dont la Pologne, la Hongrie ou la République tchèque – sont gouvernés par des gouvernements nationalistes, qui se basent sur des valeurs identitaires. Famille, patrie, religion. À l’opposé de la philosophie des dirigeants de l’Ouest, qui prônent la souveraineté européenne, le multiculturel et le libéralisme économique. Ce n’est même pas la misère qui guide les électeurs de l’Est : le taux de chômage est deux à trois moindre dans les trois pays cités ci-dessus qu’en France. Non, il s’agit là de convictions de peuples revenus des espoirs nés de la chute du mur de Berlin, en 1989. Une volonté débridée de fermeture et de retour aux racines, malgré les dizaines de milliards d’euros perçus de l’Europe. Mais tout ne se résume pas à l’argent.

En Allemagne, l’entrée des nationalistes au Bundestag, en septembre dernier, a fait figure de séisme, malgré la réélection d’Angela Merkel au poste de chancelière. La semaine dernière, Trump a annoncé une augmentation historique des taxes sur les importations d’acier et d’aluminium. Hausse qui pourrait compenser le regain de compétitivité obtenu par les partenaires des États-Unis grâce à la manipulation de leur monnaie. « America first », jure le promoteur new yorkais sur la bible. Enfin, ce dimanche, les Italiens, en première ligne face aux flux de migrants, ont rendu un verdict anti-européen, plaçant le Mouvement 5 étoiles comme première force politique transalpine, à peine huit ans après sa création. Ce qui ne résout rien, personne n’ayant la majorité. « Che bordello » (quel bordel), titre poétiquement mes confrères d’Il Tempo, ce lundi.

Comme si nous étions embarqués dans une grande marche à rebours, toute tiraillée et pétrie de contradictions : d’un côté, l’ouverture au monde, les réseaux sociaux, la digitalisation, les brutales délocalisations désindustrialisantes, les joyeuses vacances en Thaïlande moins chères que dans son propre pays ; d’un autre côté, la soif de repères et la souffrance du déclassement, un peu hâtivement marketée « vague populiste » par des élites qui récitent leur leçon.

Reste un fait, assez établi, lui : économiquement, le nationalisme a toujours échoué à long terme, alimenté par la méconnaissance de l’économie de marché de la part des dirigeants. Il contribue à creuser les déficits commerciaux, à augmenter l’inflation et à faire fuir les capitaux. D’ailleurs, l’alchimie électorale est plus subtile qu’il n’y paraît : beaucoup de citoyens qui votent à l’extrême pour exprimer leurs inquiétudes et leur insatisfaction disent en même temps ne pas souhaiter quitter l’Union européenne, ni la zone euro. En France, Marine Le Pen l’a appris à ses dépens lors de la présidentielle 2017.