Le français, bientôt une langue morte ? Bah, après tout, on s’en fout. À quoi servent tous ces mots savants, dansant en farandole le long de vieux romans érudits. Des mots qui claquent façon colts, tels qu’acronymes, péristyles, frontispices, bréviaire, minauder, blet, épître, paterne, péronnelle, gargoulette, barbon, autodafé, cabot, préséance, inclination, boucaner, mantra, comportes, valétudinaire, marquises, gênoises, séditieux, croquemitaine ou galimatias. Je découvre avec effroi que mes monuments de l’adolescence – les Baudelaire, Rimbaud, Hemingway, Huxley, Hugo, Verlaine – frisent aujourd’hui les oubliettes. Et qu’elles disparaîtront, ces plumes célestes, des programmes scolaires, dans une indifférence assourdissante.

Qui conçoit bien énonce clairement, disait pourtant Boileau, voici quelques décennies (avant le début de la télé-réalité). De grands auteurs du XXè siècle maîtrisaient à merveille l’imparfait du subjonctif – Françoise Sagan, Albert Camus, ou un Frédéric Dard, quand il n’était pas San Antonio. La bataille d’aujourd’hui consiste plutôt à faire régner l’ordre pour que soit respecté le pourtant docile passé composé. Non, on n’écrit pas « ils ont lus » mais « ils ont lu ». Par contre, si le COD est placé avant, on accorde en genre et en nombre – « les livres qu’ils ont lus ». Je crains que cela ne devienne trop technique, là…

Désolé pour ce billet-rigueur qui n’est peut-être pas « juste top », dont on ne ferait pas une « prez stylée » dans une ambiance lounge. J’essaie de « faire du sens », j’ai tellement d’idées « dans le païpe », avec une « to-do list » commack à produire au jour d’aujourd’hui. J’en suis tout émotionné !

La maîtrise de la langue donne pourtant l’accès à la pensée et au pouvoir. Que je sache, les candidats à l’élection présidentielle rivalisent ce soir de mots. Ils ne se tirent pas dessus. L’école se réduit-elle à une « Fabrique du crétin », pour citer le titre de l’opus de Jean-Paul Brighelli ? Je ne veux pas le croire. Les jeunes qui montent déploient une autre forme d’intelligence, plus impatiente, plus créatrice, plus intuitive que celle de leurs aînés. Mais la réduction considérable, en volume horaire et en rigueur d’apprentissage et de mise en oeuvre, des quatre fondamentaux du français – grammaire, conjugaison, orthographe, vocabulaire – est tout de même un crime contre un bien si précieux, qui rappelle à la fois notre pays et notre enfance. Ne dit-on pas, d’ailleurs, langue maternelle ?