C’est vraiment très grave docteur, le surmenage professionnel (burn-out, pardon) et la dépendance au travail nous guettent tous. Le dernier article de Challenges, « Addiction au travail : ces signes qui ne trompent pas », énième du genre sur le thème, dresse un portrait peu amène du gros bosseur. « Le boulomane, ou accro au travail, ne sait pas se détendre et travaille essentiellement sur un mode de maîtrise obsessionnelle », explique le Dr Michel Lejoyeux, psychiatre et addictologue. Rien que ça.

On en oublierait presque que la France compte cinq millions de chômeurs, et que parmi les actifs, beaucoup ne se foulent pas trop – il suffit de suivre les fils actu des particuliers sur les réseaux sociaux : pas de doute, ça glande sec en France. Vous regarderez, d’ailleurs, autour de la table, lors du prochain Noël, la proportion de convives, hors bébés et 3ème âge, qui bossent à temps plein – le taux d’emploi*, comme on dit dans le jargon économique. Vous risquez d’être surpris du score.

En tant que manager de média, qui recrute (ou pas), écrit, fait écrire, valide, doit anticiper, représente, prospecte, réseaute et réunionne, et comme tout bon névrosé polyactif, il paraît que je suis exposé. Voire, candidat idéal. Beaucoup d’entre vous, hommes et femmes pressés, se retrouvent dans ce descriptif. Faut-il pour autant tirer la sonnette d’alarme et administrer, d’office, dix cours de yoga et des kilos d’infectes infusions bio ?

Le risque de burn-out est très subjectif. Tout dépend si le stress est subi ou choisi. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de situations intenables, ni que le monde professionnel ne réserve pas sa dose de violence et d’injustice. Mais le bon stress existe, je l’ai rencontré. Tout dépend aussi de sa capacité de relâchement – on peut travailler 12 heures et parvenir à débrancher à 12h1mn – et, surtout, surtout, de sa faculté à prendre de la distance et à relativiser. Nous sommes tous, objectivement, inégaux sur ces points. Certains se noient dans un verre d’eau pour un stylo à changer. D’autres peuvent prendre la parole devant 500 personnes comme on va acheter une baguette de pain.

Ces ‘Une’ racoleuses et récurrentes sur « le surmenage, mal du siècle » posent la question, profonde et centrale, de la place du travail. Travailler beaucoup est devenu, en France, suspect par essence : on néglige sa famille, on détruit sa santé, on a des problèmes dans la tête. Tout cela est démontré avec force photos de cadres dépressifs fumant clope sur clope. Il n’est presque jamais dit que pour certains, se surpasser librement est un vecteur d’amélioration. Et que pour eux, repousser les limites est le chemin obligé pour donner le meilleur de soi-même. Quand ils ont mal, que voulez-vous, ils accélèrent. Et même, parfois, chose incroyable, ils créent de la richesse. Allez, je vous laisse, j’ai une newsletter sur le feu !

* Proportion de personnes disposant d’un emploi parmi celles en âge de travailler.