À deux mois et demi du premier tour de l’élection présidentielle, reine des scrutins dans la Vème République française, quatre forces se dessinent – contrairement à la « tripolarisation de la vie politique » évoquée depuis de nombreux mois par les analystes : la gauche historique et frondeuse, incarnée par le tandem (irréconciliable ?) Hamon/Mélenchon, la gauche centriste portée par Emmanuel Macron, la droite libérale de François Fillon et le parti nationaliste de Marine Le Pen – la seule à ne pas finir en « on », mais on aura bientôt Marion. Les autres se partageant les miettes. Chacun des quatre poids lourds pèse entre 20 et 25 % du corps électoral, et seulement deux des quatre en découdront en finale.

Toutes les combinaisons restent ouvertes, surtout si Hamon et Mélenchon (appelons-les « Mémon ») s’allient : Mémon / Le Pen, Mémon / Fillon, Mémon / Macron, Fillon / Macron, Fillon / Le Pen, Le Pen / Macron. J’offre une bouteille de bon Puech Haut (made in Languedoc) à qui poste en commentaire (là, en bas) dès aujourd’hui le bon pronostic – un seul pari autorisé par participant, je vous vois venir. Voilà qui nous promet, tout au moins en termes de suspense, un finish haletant.

Pour le fond, ça risque de virer, comme d’habitude, à la foire d’empoigne cacophonique. Journalistiquement, et pour ma troisième campagne en mode première ligne, je n’attends plus grand chose sur le terrain des idées. On connaît la musique. L’heure est à l’image, à l’émotion, aux hologrammes, au règne obscur de la télé-réalité (cf. Trump à la Maison Blanche), aux références trop prévisibles pour être sincères (Jaurès, de Gaulle…), aux commentaires des réseaux sociaux « qui deviennent viraux », comme s’émerveillent les communicants.

Alors, François Fillon, champion de la droite et du centre, a-t-il raison de présenter « ses excuses aux Français » après que des médias ont révélé un système de rémunération de sa famille par de l’argent public, entraînant l’ouverture d’une enquête préliminaire ? Il n’avait guère le choix, a trop tardé mais peut se révéler dans l’adversité. Chance pour lui : pour avoir écrasé la concurrence lors des primaires de son camp, fin novembre, aucun plan B n’a pu s’imposer en février, malgré les tentatives de certains de ses copains pour le « débrancher » (sic), la semaine dernière. L’affaire eût été différente s’il avait remporté lesdites primaires avec seulement 52 % des voix. En professionnel de la politique, le Sarthois a conscience de cette légitimité issue des urnes. Même s’il est affaibli, même si sa thèse du « coup d’État institutionnel » et de « l’homme à abattre » semble un peu grosse, même s’il reste pas tout à fait clair sur certains détails des affaires.

Ce n’est qu’un début. Pour notre bande de « on », la campagne sera émaillée de joutes violentes, à la hauteur du poste convoité et de l’état – préoccupant mais pas désespéré – économique, social et sociétal du pays. « La guerre est semblable au feu, lorsqu’elle se prolonge elle met en péril ceux qui l’ont provoquée », « Toute guerre est fondée sur la tromperie », « Si tu ne connais ni ton adversaire ni toi-même, à chaque bataille tu seras vaincu », attribue-t-on au général chinois Sun Tzu (environ VIè siècle avant JC), auteur de L’Art de la Guerre, premier traité de stratégie militaire, et dont les principes sont transposables aux affaires et à la politique. Rien n’a changé depuis, même si plus personne ne lit Sun Tzu.