Rien n’arrive jamais par hasard. Et les crises destructrices ont ceci de bon qu’elles reprogramment des lendemains créatifs, dans un tourbillon schumpétérien.

Prenez la fin d’un couple : ce qui est triste n’est pas tant la séparation que la somme de causes (indifférence, infidélité, violence, usure…) y conduisant. La rupture, douloureuse bien sûr pour celle et celui qui est quitté-e (je ne crois guère aux clashs décidés exactement en même temps « d’un commun accord »), agit comme un électrochoc, une libération, la promesse béante d’une nouvelle vie. On ne s’en rend pas bien compte sur le coup. Puis, un peu plus tard, une fois bouclé le cycle sidération-introspection-je paie un psy-colère-je paie un avocat-deuil-acceptation-je paie un coup, on va fêter l’événement entre filles ou entre gars, comme à l’école, sans se mélanger. J’ai vu, un jour, des copines arroser lourdement, et avec force rires, un divorce dans un bar. Objectivement mythique.

Ou prenez les gilets jaunes, dont le mouvement ne fond pas au soleil revenu. La grogne vient d’un projet de hausse des taxes sur les carburants. La secousse sociétale aura provoqué gros dégâts et grand débat. On aime où on n’aime pas. Mais elle remet au centre du jeu, de façon durable, les questions de la transition énergétique, des mobilités au quotidien et du pouvoir d’achat des classes moyennes.

Des pans entiers de l’économie se recomposent. L’intelligence artificielle va détruire des millions d’emplois au cours du 21èmesiècle. D’après l’Institut Sapiens, les plus exposés sont les employés de banque et d’assurance, le secteur de la comptabilité, les secrétaires de bureautique et de direction, les caissiers et employés de libre-service et les ouvriers de la manutention. Mais on parle aussi de révolution numérique et de métiers devenus très lucratifs – cybersécurité, data scientist… La semaine du numérique (bit.ly/2E7jPRe), en cours, met en avant ces opportunités.

Il faut aussi compter avec les nouvelles façons de travailler. Le télétravail bien sûr, que les DRH commencent à dompter, mais aussi, et plus disruptif, un rythme nomade, totalement explosé, aux frontières abolies. Dans cette seule journée de lundi, j’ai mené une interview téléphonique de 30 minutes dans un café, aux côtés de sympathiques et bruyants turfistes, et ai envoyé une newsletter avec mon ordinateur portable, posé en équilibre sur un deux-roues, à l’extérieur, avec un partage de connexion depuis mon smartphone. Bien. Mais, à l’inverse, j’ai appelé un ami depuis le bureau. Pas bien. De telles contorsions de fond et de forme versent-elles dans l’excès ou le vrai ? Le regard des autres va-t-il mal juger ? Temps des crises ou des cerises ? Trêve de foire aux questions. On sait qu’on est sur la bonne voie quand on n’a plus envie de se retourner.