C’est quand même un comble : la Copa do Mundo de Futebol (comme ils disent sur les vols Rio-Paris qui veulent bien rester en l’air) débute jeudi à Sao Paulo, avec un Brésil-Croatie sympathique en diable, au coeur de la patrie cinq fois vainqueure du tournoi, et personne n’est content. Il s’agit pourtant de la dernière Coupe du monde à visage humain, avant la double-purge de 2018 (Russie, avec son gaz) et 2022 (Qatar, avec son pétrole). Oui mais voilà : stades pas terminés, wi-fi pas installée partout – bon courage à mes amis journalistes sportifs, déjà bien déconnectés -, huit ouvriers sacrifiés dans la construction des temples du ballon rond, dépenses publiques pharaoniques (12 milliards d’euros) dans un pays en mal de moyens de santé, de transport et pour l’éducation.

Alimentée par d’anciens champions brésiliens reconvertis dans la politique – dont Romario -, exacerbée par ces salauds de gauchistes, la grogne sociale, loin de se cantonner pas aux seules favelas, vient grignoter la classe moyenne. Notre Michel Platini national, patron de l’UEFA et en campagne pour la FIFA dont le prochain président sera élu en mai 2015, en perd son latin. «Si les Brésiliens peuvent attendre un mois (durée de la compétition) avant de faire des éclats un peu sociaux, ce serait bien pour le Brésil et pour la planète football. Le climat est tendu donc il faut qu’on lance un appel au Brésil : faites un effort pendant un mois, calmez-vous, rendez hommage à cette belle Coupe du monde », a-t-il dérapé le 25 avril.

Ajoutez à cela les révélations du Sunday Times, le 1er juin, sur les soupçons de corruption dans l’attribution de la Coupe du monde 2022 au Qatar, et le pipe-line est plein. Enfin, pas tout à fait : l’autorité brésilienne de la concurrence a infligé fin mai des amendes d’un montant total de plus d’un milliard d’euros à six cimentiers brésiliens coupables d’entente sur les prix depuis 20 ans. Ces mêmes cimentiers ont profité des chantiers liés à leur Copa do Mundo, avec des dépassements de coûts qui ont défrayé la chronique et, donc, exacerbé l’ire de ces salauds de gauchistes. N’en jetez plus : je boycotte la coupe du Monde.

Allez, mi-temps ! Que ce tournoi rond comme la planète nous transporte de joie, avec des buts de folie à la dernière seconde, des albums Panini sans trous énervants dans les compos et des erreurs grossières d’arbitrage limitées – aucun arbitre français n’ayant été retenu, c’est possible. Au final, une seule équipe sur les 32 de la phase finale brandira le trophée Jules Rimet. Que le Christ de Rio fasse que la meilleure l’emporte – c’est loin d’être toujours le cas. Je mets une caisse de champagne sur la pétillante équipe d’Allemagne. C’est un pronostic, et c’est une préférence.

* Jouez ! , en carioca.