Tartares géants, côtes de bœuf de l’Aubrac fondantes sous le palais ; jambon de Bayonne avec pain grillé et tomates séchées en apéro ; saucissons au noix, au poivre ou nature ; filets mignons farcis à l’ail, agrémentés d’herbes de Provence et de paprika ; rôtis de porc de nos grands-mères, avec le jus bien gras servi à part… Produits de France, je vous aime ! Et ne suis pas le seul : le repas gastronomique français est classé au patrimoine mondial de l’Unesco. La vache !

A chaque campagne présidentielle, quand il faut que la France retombe amoureuse, les candidats sacrifient – avec plus ou moins de bonheur – au rituel des caresses au cul des bestiaux, sous l’œil gourmand des caméras parigotes. Voilà qui ne trompe pas. Si les politiques s’attellent à cette pièce de viande et de théâtre, c’est bien que la filière barbaque ne se résume pas à des emplois et un savoir-faire, mais correspond aussi à une histoire séculaire, et incarne (c’est le cas de l’écrire) l’Hexagone. Peu le disent : des bouchers du coin promeuvent une agriculture raisonnée, et connaissent les éleveurs. Pire : ils aiment leur métier – excusez-moi, je suis grossier ce lundi.

L’OMS ne préconise pas, dans son rapport médiatisé jusqu’à l’indigestion, de stopper toute consommation de viande. On en est à des rappels de base : ne pas s’enquiller 300 grammes de viande rouge par jour, privilégier les produits de qualité quitte à en consommer moins, changer sa perception du produit – naguère quotidien, et qui doit glisser vers l’hebdomadaire, en mode repas de fête. Rien de nouveau, en fait, avec des préceptes applicables au tabac ou à l’alcool. Sur ces plans, on regrettera que les pouvoirs publics ne fassent rien – mais alors rien – contre les Happy Hours dans les bars, pratique commerciale qui encourage l’ingurgitation massive d’alcool en temps limités, et qui cible principalement les étudiants des grandes métropoles universitaires.

Mais revenons à nos cochons et veaux tueurs. Une vidéo coup de poing d’une association activiste anti-viande a montré la mise à mort brutale, et choquante, d’animaux au sein de l’abattoir municipal d’Alès (Gard). Un document jouant habilement sur l’émotion, relayé sur le Net, sans forcément rentrer dans le fond du problème – les cadences infernales, la course au prix bas, la pression de la grande distribution.

C’est l’un des (nombreux) problèmes de la presse : des journalistes d’une inculture scientifique crasse, mais qui sont amenés à traiter sans filet, dans l’urgence, des scandales sensibles et complexes – vache folle, poulet à la dioxine etc. Les barres chocolatées dégueulasses, ou autres sodas à base de taurine ? Ca compte pas : de grands joueurs de foot ou de tennis en assurent une promotion zélée et lucrative. Immunité garantie.

Mes lecteurs de moins de 30 ans – il y en a – l’ignorent peut-être : il n’y a pas si longtemps, on fumait partout, jusque dans les bureaux, les avions et les trains. Les paysans éclusaient un litron de mauvais vin par jour. Les papas conduisaient fin bourrés et sans ceinture. L’oncle Robert fumait trois paquets de gitanes sans filtre par jour, entre deux bouffées d’oxygène. Un Halloween de la santé ! Finalement, allez savoir, c’est peut-être mieux aujourd’hui.