Imaginez le marathon de Londres ou de Paris annulé à 10 mn du départ, parce que la chaussée est trop dégradée et étroite entre les kilomètres 32 et 37 pour recevoir 35 000 paires de guibolles. J’en ai rêvé, I Vole Techno l’a fait. Samedi 13 décembre, le festival de musique électronique de Montpellier est annulé 1h30 avant son coup d’envoi, après avis défavorable de la commission de sécurité, alors que 35 000 jeunes* venus de toute l’Europe se sont donné rendez-vous aux abords du Parc Expos (Pérols, Hérault).

Portes et grilles closes face à des milliers de festivolés venus de Bruxelles, de Paris, de Marseille, d’Espagne, d’Italie…, pour brûler leurs vingt ans au son de Laurent Garnier, Paul Kalkbrenner, Duke Dumont , N’to, Alesia ou autre Lucid. Les vidéos du désastre inondent les réseaux sociaux depuis 48 heures.

Parlons détails. D’après la préfecture de l’Hérault, l’avis défavorable est motivé par « l’insuffisance des dispositions prises en matière d’issues de secours et de système d’alarme incendie ». Sur cette base, le maire de Pérols a interdit l’événement par arrêté municipal, poussant l’organisateur Live Nation à l’annulation. Traduction : il manquerait trois portes de sortie, deux fils électriques et quelques boulons aux poutres métalliques, et on attend l’ultime moment pour s’en rendre compte, alors que les teufeurs sont déjà là, bouillants comme la braise, prêts à l’envol !

L’heure est plus aux questions qu’aux réponses. Pourquoi la commission n’a-t-elle pas statué avant ? Son président était-il en RTT, ou avait-il piscine ? Le nouveau maire de Pérols, Jean-Pierre Rico, a-t-il fait preuve de sagesse préventive, ou n’était-il pas tout simplement opposé à la manifestation, et prêt à tout pour la flinguer ? Comment ont travaillé et interagi Live Nation, Rico, la préfecture, la commission de sécurité et Montpellier Events (gestionnaire du Parc Expos) ?

Evidemment et comme toujours, personne n’est responsable. Pour l’organisateur et Montpellier Events, qui se sont mollement excusés samedi soir, l’annulation est « indépendante de notre (sa) volonté ». La préfecture et Jean-Pierre Rico sortent l’arme du principe de précaution. ‘Rendez-vous compte, sans notre décision, il y aurait eu des morts !’

Dans cette farce contemporaine, seules les victimes se sont positivement distinguées. Mises à part de louables échauffourées avec les CRS à l’annonce de la décision d’annulation, l’immense majorité des festivolés est restée calme et disciplinée. Pas sûr, en revanche, qu’ils passent leurs vacances à Montpellier. Pas sûr non plus qu’ils parlent en bien de la destination à leurs familles, autour de la dinde de Noël.

* Record français en matière de musiques électroniques, d’après le magazine Tsugi.