Demain à Paris, grande opération de récupération politique de la fête du travail, à cinq jours du 2ème tour. Mais quelle est la place du travail, au juste, aujourd’hui en France ? Le travail, vecteur de production et valeur économique, a-t-il une couleur politique ? De quoi parle-t-on ?
Le travail se fait rare : le taux de chômage est au plus haut (plus de 10 %), à des niveaux indignes d’une grande démocratie pour les jeunes de moins de 25 ans – qui ont placé Marine Le Pen en tête de leur vote – et les plus de 50 ans.
Le travail est souvent mal payé, car trop chargé, trop assujetti au capital. Seules quelques niches lucratives, à haute valeur ajoutée, rémunèrent leurs acteurs en adéquation avec le coût exorbitant de la vie.
Le travail doit être une souffrance, dans notre inconscient catholique. « Travail » vient du mot latin « tripalium » – instrument de torture, à trois pieux. Etymologie implacable : pas de place au plaisir !
Du coup, le travail est déconsidéré. La fameuse « génération Y » (jeunes nés entre 1980 et le milieu des années 1990) ne dit ni merci ni au revoir, ne fait pas deux phrases sans faute, ne donne pas suite aux entretiens etc… Et vas-y que je te demande une formation ou des congés sitôt un CDI décroché. Les DRH s’en arrachent les cheveux pendant leurs séminaires.
Pourtant, le travail permet de se réaliser socialement, pour peu qu’il réponde à trois impératifs : salaire décent, perspective d’évolution et intérêt du poste.
Bref, quand MM.Hollande et Sarkozy (dans l’ordre alphabétique) fêtent le travail, ils célèbrent à la fois un monstre quotidien, un vampire avide et un tremplin de promesses.
Ils oublient une chose : le travail est dans les détails. Ai-je aidé mon collègue avant de partir à la gym ? Avant d’animer une table ronde, ai-je vérifié la prononciation des noms de chacun de ses intervenants, afin de ne pas écorcher publiquement leur identité ? Quand une photo de décideur n’est pas terrible pour le magazine machin, est-ce que je m’en contente, ou est-ce que j’en recherche une autre, plus lumineuse, plus souriante ? Quelles sont les enquêtes que je n’ai pas réalisées, par paresse ou par confort ? Ai-je donné le meilleur de moi-même ? Est-ce que je connais seulement le meilleur de moi-même ?
Le travail est surtout ce que l’on en fait : est-ce que je cherche à me former, à dessiner mon avenir pro, ou est-ce que je laisse venir ? Quels défis suis-je en mesure de relever ?
Le travail n’appartient à aucun syndicat et aucun ministère Providence. Il est l’affaire de chacun. A méditer, car pendant ce temps-là, les Chinois, les Indiens et les Brésiliens… travaillent.