En investissant le politologue Dominique Reynié, samedi à Sète, comme tête de liste de la droite et du centre aux élections régionales de décembre pour la grande région Languedoc-Roussillon/Midi-Pyrénées, les élus UMP tentent un sacré coup de poker, sur une terre qui les fuit depuis des années.

Reynié n’est en effet ni un élu, ni même un politique. Du coup, ça roumègue. A peine passé le vote – il a fallu quatre tours de scrutin -, le spectre de la division fratricide apparaît. « Un commentateur politique, un mondain de Paris », tacle le sénateur UMP héraultais Jean-Pierre Grand, à propos de Reynié. Bernard Carayon, maire de Lavaur (Tarn) battu lors du dernier tour (23 voix contre 16), ne s’est pas attardé dans les coursives. « Je ne connais pas de parachutage opéré depuis le sol, balaye Reynié, dont l’intervention, lors du grand oral, a été remarquée. Je ne suis pas envoyé par Paris mais choisi par des élus locaux. Et je n’ai jamais été parisien dans mon esprit. Chez mes grands-parents, il n’y a que des paysans. »

Le petit-fils de paysan aveyronnais, 55 ans le 17 juin, a fait du chemin. Professeur de sciences politiques à Sciences Po Paris, régulièrement invité sur le plateau de « C dans l’air » (France 5), il dirige depuis 2008 la Fondation pour l’innovation politique, think-tank libéral et pro-européen, proche de l’UMP. Il est notamment l’auteur de « Populisme : la pente fatale » (Plon, 2011). La campagne à venir lui permettra d’appliquer la théorie à la pratique, lors de ces passages en terre languedocienne, connue pour un vote frontiste supersonique.

Issue de la société civile, Reynié a certes pris sa carte UMP. Mais « il amène de l’oxygène, au moment où les citoyens veulent du nouveau, eux qui sont dans le doute vis-à-vis de la classe politique », résume Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse et président de Toulouse Métropole, et instigateur du mode de désignation. Journalistiquement parlant, on peut aussi « espérer » que Reynié, novice et surexposé, commette des bourdes de communication, toujours délicieuses à collecter.

Ne vous attendez pas à un parisien feutré. L’aveyronnais a le verbe haut et les convictions tranchées. Le 12 novembre dernier à Montpellier, lors de l’assemblée générale des Travaux Publics LR, il a ainsi prôné une baisse des effectifs dans les collectivités. « La masse salariale des collectivités locales croît en France dans des proportions déraisonnables. Comment peut-on demander aux collectivités de faire des économies, de ne pas toucher à l’investissement, sans qu’elles puissent réduire leurs masses salariales ? Parce que les collectivités ne jouent pas sur leur fonctionnement, ce sont les entreprises de TP qui vont devoir jouer sur leurs effectifs. C’est une injustice morale. On ne peut pas tout le temps arbitrer au bénéfice des statuts les plus protégés. »

Sur le papier, cette région est ingagnable pour la droite. Les deux collectivités actuelles, amenées à fusionner, sont aux mains des socialistes – Martin Malvy côté Midi-Py, Damien Alary côté littoral. Et lors des dernières élections départementales, la gauche a fait plus que résister, remportant 11 départements sur les 13 que compte cet espace vaste comme l’Irlande.

Sur le papier. En décembre, le PS devra composer avec la désaffection croissante de ses militants, conséquence de l’absence de résultats de la politique économique. Le coup du père Valls, avec un « Front national aux portes du pouvoir » – propos destiné à faire peur aux enfants et à remobiliser – ne passera pas une deuxième fois. En local, l’attitude du maire DVG de Montpellier Philippe Saurel inquiète jusqu’à Solférino. Habité d’une haine tenace de ses anciens amis socialistes, Saurel se rapproche de Moudenc pour créer un tandem métropolitain, et dit « ne pas connaître Carole Delga » (sic).
Enfin, le duo PS Carole Delga (actuelle secrétaire d’Etat au commerce et à l’artisanat, originaire de la Haute-Garonne)-Damien Alary (actuel président de la Région LR, originaire du Gard) pourrait désarçonner les indécis. Si on doit reconnaître que le tandem mouille le maillot, avec déjà plusieurs points presse organisés, aucun des deux n’a le charisme d’un Martin Malvy, ou d’un Georges Frêche. Un sondage qui circule sous le manteau donne, au premier tour, un tiers des voix au PS et ses alliés, un tiers à l’UMP et au centre, un tiers au FN. J’ai hâte d’y être. Pas vous ?