On le dit peu. Chaque jour, les entrepreneurs créent de la richesse en développant une activité, issue d’une initiative individuelle. Ils commencent tôt le matin, risquent leurs sous, savent que leur journée sera jalonnée de soucis, qu’elle se terminera tard et qu’elle ne suffira pas pour tout résoudre. Voilà une réalité sociale, économique – et fiscale. Et romanesque, aussi : on dit des belles boîtes qu’elles naissent de la rencontre entre une idée et le marché. Toutes, certes, ne sont pas invitées sous les ors du château de Versailles par le président de la République. La place manquerait. La plupart des patrons dirigent des TPE, des PME, des petits commerces, des business artisanaux. Souvent des affaires fragiles, avec un ancrage territorial fort, une histoire, des cadres impliqués, parfois des politiques d’intéressement ou d’actionnariat, voire des engagements en matière de responsabilité sociétale. La préoccupation de ces petits patrons, pour une écrasante majorité d’entre eux, ne consiste pas à s’en mettre plein les fouilles sur le dos des salariés, mais à pérenniser leur affaire, dans des contextes souvent lourds – trésorerie, concurrence tirant les prix vers le bas, règlementations fluctuantes, crédits bancaires à négocier, impayés, charges, fiscalité, difficultés de recrutement…

Avec forcément des hauts et bas. Un graphique humoristique, à base d’emoticons (bit.ly/2DJow0V), le résume bien : le dirigeant passe en quelques heures, voire quelques minutes, de « Je crois que je vais échouer » à « Ça marche » en passant par « Je n’en peux plus ça me gonfle » et « Ma vie n’est pas si mal ». Pas besoin d’évoluer dans le milieu des start-up pour sentir souffler ces vents contraires.

Je le vis à double titre. Tout d’abord, pour en parler au quotidien, dans des articles, en tant que journaliste économique, après avoir interviewé des boss, sur leurs doutes et leurs stratégies. Et, d’autre part, en étant moi-même acteur. À travers, bien sûr, un média, La Lettre M, dont je dirige le pôle rédactionnel, et aussi avec d’autres casquettes – correspondant, animateur -, moins prenantes, mais qui me permettent de savoir ce que signifient l’Urssaf, un devis, le caractère vital de la e-visibilité, le délicieux avis de CFE (cotisation foncière des entreprises) avant Noël, les relances épisodiques pour être payé, etc. Des expériences utiles pour mon métier de base, le journalisme. Je pense en effet que c’est important de savoir de quoi on parle. Les interlocuteurs le sentent, et l’expression de leur regard change. Le contenu des infos transmises aussi.

À force de lourdeurs des process, de guerres des ego et d’incapacité au changement, beaucoup d’entreprises perdent de vue les vertus essentielles. J’en distingue quatre : marteler une compétence claire, différenciante et identifiable sur le marché – pour La Lettre M : toute l’info éco, rien que l’info éco, en Occitanie – ; des efforts à dimensionner au maximum – les tâches qui ne répondent pas aux attentes, et ne ramènent pas de profit immédiat ou à moyen terme, doivent être éliminées ; le bon prix est celui que voudra bien y mettre l’acheteur – regardez les smartphones ; enfin, le client doit être placé au centre de toute la démarche technologique, marketing et commerciale – le client s’appelant, dans ma paroisse, le lecteur. Entrepreneur, c’est s’adapter sans cesse, en n’oubliant jamais ces salutaires planches de simplicité… si difficiles à mettre en œuvre.