On l’oublierait presque : entre le 23 et le 26 mai, tous les électeurs européens sont appelés aux urnes, et non pas seulement les électeurs français, que l’on divise, un pistolet médiatique sur la tempe, entre progressistes et populistes. Il s’agit d’élire 705 députés européens (sans nos copains britanniques, Brexit oblige), qui siègeront (enfin, pas toujours) au Parlement européen, à Strasbourg. Pour arrêter avec ce ton faussement professoral, et si vous voulez en savoir plus, Le Monde a publié une synthèse éclairante (lemde.fr/2H0ItEB)

Le 26 mai au soir, on s’enflammera donc sur les résultats nationaux, pour un scrutin transnational. C’est objectivement absurde, totalement désespérant, et intellectuellement malhonnête. Difficile de ne pas succomber, cependant, à ce penchant si facile de jauger l’état de forme des troupes, et l’efficacité des peaux de banane glissées sur les pavés.

Talonnée, voire dépassée, par le Rassemblement national, la liste de La République en Marche, que Nathalie Loiseau peine à faire s’envoler, tente de verdir ses propositions. Le chef de l’Etat lui-même vient de dégainer une série de mesures pour la biodiversité (bit.ly/2VNiFnG), semblant découvrir que celle-ci se trouve menacée, et réagissant de façon chirurgicale au rapport du Giec (bit.ly/2H10lhC). Macron prendrait-il le bon Wargon (du nom de la secrétaire d’Etat à la transition écologique), à trois semaines de la ligne d’arrivée, histoire de grignoter les 2 ou 3 % manquants pour finir de façon certaine devant Jordan Bardella, le gars de la Marine ? On peut comprendre l’agacement extrême du pauvre Yannick Jadot, tête de liste EELV.

A droite, du nouveau : le philosophe François-Xavier Bellamy, raillé pour son conservatisme, mène une campagne plutôt surprenante, même si le parti reste convalescent, et loin encore des 20 % pas fictifs arrachés par François Fillon en 2017.

Pas moins de 33 listes se retrouvent en concurrence. Dont certaines tout à fait improbables : une liste royaliste, un Parti pirate, un Parti animaliste, une liste composée uniquement de moins de 30 ans, Les Oubliés de l’Europe et une Union démocratique pour la liberté, l’égalité et la fraternité. Cela prête à sourire lorsqu’on affiche quelques heures de vol citoyen. Mais ce n’est ni la meilleure façon d’inviter les jeunes à aller voter, ni une façon sérieuse de réinventer l’Europe, pour nous amener vers des « plus » complexes : plus de connaissance, plus d’écologie, plus de justice dans le développement économique, plus de protection, plus d’harmonisation, plus de sûreté, plus de sens collectif.

Au final, et au-delà de ces contingences hexagonales, quelle place de l’Europe dans le monde ? Dominant naguère, le continent souffre en étau, entre les Etats-Unis et l’Asie. L’ancien chef de l’Etat, Nicolas Sarkozy, s’est fendu d’une étonnante sortie sur le sujet (bit.ly/2VjyQcY), évoquant même une possible « disparition de l’Occident ». Quand on voit que figure, dans l’agenda de la nouvelle porte-parole du gouvernement, Sibeth NDiaye, l’appellation « conseillère éléments de langage » pour son attachée de presse*, on se dit que l’affaire est bien engagée.

* Tweet délicieux d’Ariane Chemin, journaliste au Monde.