À la une des journaux économiques et sur les notes de conjoncture, tout va bien : les cours de bourse record, la capitalisation des valeurs du Cac 40, les profits amassés par les fleurons tricolores, la baisse du taux de chômage (- 1,1 % en un an, pour atteindre 8,9 %, d’après l’Insee), la croissance qui repart (près de 2 % cette année d’après la Commission européenne), de fortes créations d’emploi dans le secteur privé (253 000 en 2017), et des défaillances en chute libre, selon les chiffres communiqués par les tribunaux de commerce lors de leurs audiences de janvier. Les entreprises ont restauré leurs marges avec le CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) et le pacte de stabilité.

Macron sait que la croissance est une croyance, et qu’il n’a pas de baguette magique. Alors, son staff distille les messages positifs, et lui en appelle à la responsabilité de chacun, avec des phrases devenues célèbres (« Le meilleur moyen de se payer un costard, c’est de travailler », « Il faut des jeunes qui aient envie de devenir milliardaires ») ou ce discours tout sauf convenu devant des jeunes agriculteurs, la semaine dernière à Paris. En clair : il faut que ça bouge et rien ne se fera sans vous. Au risque de paraître brutal, à la limite du hors-jeu. Il casse les corporatismes, comme les régimes spéciaux de la SNCF. Les Français sont (à 70 %, d’après Odoxa) avec lui sur ce point – et attendent même qu’il agisse. Guerre de mouvement. Action permanente pour vaincre vite. Rien de nouveau, en fait : souvenez-vous des bus Macron, qui faisaient débat il y a trois ans, et font désormais partie du paysage. L’histoire seule dira si ce président inattendu a vraiment réformé (pardon, transformé), ou surtout communiqué. Il est encore trop tôt, et la pensée économique d’un chef d’État « libéral de gauche » trop complexe, pour juger.

Sur le terrain, dans la comptabilité de bon nombre d’entreprises, et malgré les chiffres tonitruants déclinés ci-dessus, les tensions demeurent. Les PME qui ne parviennent pas – par inertie ou cécité – à digitaliser leur modèle, à engager une politique RSE (responsabilité sociétale), à ouvrir les fenêtres et un peu de leur capital à la jeunesse, seront, pour beaucoup, balayées. Le label « Maison de qualité depuis 53 ans » appartient au 20ème siècle. Les agriculteurs souffrent, laminés par les normes et la pression de la grande distribution. La précarité augmente chez les salariés, quand elle n’est pas l’essence même des livreurs à vélo payés à la course. Dans le BTP, les prix restent trop bas malgré la reprise.

Autre enjeu majeur : des centaines de milliers d’affaires doivent être cédées dans les dix prochaines années, avec des freins multiples chez les dirigeants en partance, notamment celui du manque d’anticipation. À ce sujet, le réseau consulaire (chambres de commerce et chambres de métiers), si souvent critiqué, joue un rôle déterminant en matière d’accompagnement et de sensibilisation. Tout comme les experts-comptables, les mieux placés pour faire entendre raison à des patrons sur le vrai prix de leur business à vendre. Mais avant la retraite, action ! Et citation : « Le seul endroit où le succès précède le travail est le dictionnaire. »