Alors c’est la guerre, toujours recommencée. Au moins 129 personnes, pour la plupart des jeunes de moins de 30 ans, sortis boire un verre en terrasse en ce doux mois de novembre, ou écouter un concert de rock, sont morts vendredi soir à Paris lors d’attaques simultanées de terroristes de l’Etat Islamique (EI). Abattus comme des chiens, à l’aveugle. Vidéo glaçante en ligne, sur le site du Monde. Des corps gisent à la sortie du Bataclan. Des survivants traînent des amis agonisants ou blessés, dans le fracas assourdissants des balles. Une jeune fille, suspendue à un balcon pour échapper aux tireurs, le vide au-dessous d’elle, implore à l’habitant qu’il lui vienne en aide. Pire que le pire film d’horreur. Dans un communiqué en français, l’EI a revendiqué les actes, qui ont fait également 350 blessés.

Attaques commises à l’aide de fusils d’assaut et de kalachnikovs, perpétrées par des garçons aussi jeunes que leurs victimes, et qui, d’après les spécialistes, ont agi « avec un mélange de panique et d’ultra-détermination à tuer le plus grand nombre ». On s’interrogera sur les motivations réelles des trois kamikazes du Stade de France, qui se sont fait sauter assez piteusement dans des coins reculés, ne faisant qu’une victime, alors qu’ils auraient pu « scorer » au nez de François Hollande, s’ils avaient attendu la fin du match, ou s’ils étaient arrivés un peu plus tôt.

Des huit fanatiques, un protagoniste présumé, Salah Abdeslam, est parvenu à prendre la poudre d’escampette. On se demande bien par quelle opération divine, alors que Paris est la ville la plus fliquée d’Europe, et que je n’arrive jamais à griller un stop en scooter sans être verbalisé.

L’attentat, inédit par son ampleur (tout au moins en France), était prévisible et prévu. De même que Manuel Valls avait déclaré à Montpellier, trois semaines avec le massacre de Charlie Hebdo, que « jamais le risque terroriste n’avait été aussi élevé en France », l’ancien juge antiterroriste Marc Trévidic, aujourd’hui en poste à Lille, prophétisait le 30 septembre dans Paris-Match : « Les hommes de Daech ont les moyens de nous atteindre beaucoup plus durement en organisant des actions d’ampleur, incomparables à celles menées jusqu’ici. Les jours les plus sombres sont devant nous. La vraie guerre que l’Etat Islamique entend porter sur notre sol n’a pas encore commencé. » L’état d’urgence, décrétée dans la nuit de vendredi à samedi par le chef de l’Etat, a (enfin) donné des moyens d’action élargies aux forces de l’ordre, lesquelles ont effectué de juteuses prises, ce lundi à l’aube, dans les banlieues parisiennes et à Toulouse. On attend désormais que les individus classés S soient vite mis hors d’état de nuire. Quand la justice veut, elle peut.

François Hollande avait été courageux de se rendre sur les lieux du massacre de Charlie Hebdo, juste après l’attaque. Vendredi soir au Bataclan, l’image est cette fois cruelle, celle d’un président arrivant, pour la 2ème fois en moins d’un an, trop tard, ayant certainement mal paramétré et anticipé l’ampleur du danger, dans un quartier bouclé par des policiers apeurés – on se met à leur place. Figures d’autorité renversées. Pas bon.

Drapeaux en berne, en même temps qu’ils pleuvent en rafale sur les réseaux sociaux. Alors c’est la guerre, toujours recommencée, mais cette fois sans visage, sans ennemi clair, à la fois en Syrie et au Sahel, et en bas de chez nous, dans notre coeur. Ce n’est pas cette France-là que je voulais laisser à mes enfants. Va falloir faire avec.