Ou métier de cœur. Sans le savoir vraiment au début, c’est pour ce type de moment que j’ai voulu être journaliste. Échange, ce lundi à bâtons rompus pendant plus de deux heures, aux côtés de 6 ou 7 confrères, avec Jean-Luc Moudenc, maire LR de Toulouse et président de Toulouse Métropole. Décor de briques rouges, mets fins, ambiance studieuse, mots choisis, portables éteints, en mode conclave. Qualité et élévation. D’accord, quelques passages attendus, mais la politique, c’est la répétition. Faut que ça infuse.

Actu politique, bien sûr, avec l’échéance présidentielle, approchant à grands pas. « C’est la première fois, à 55 jours du scrutin, qu’il y a une telle incertitude. C’est le reflet du désarroi général des Français. » D’après lui, « les dernières semaines de la campagne seront déterminantes. La cristallisation du vote n’a pas commencé, ça commencera dans une quinzaine de jours ».

Macron mania ? « Je constate que le mécanisme des primaires, tant à droite qu’à gauche, a produit deux candidats très identitaires. Si Emmanuel Macron prospère, c’est aussi en partie parce que la droite a fait un choix bien à droite et la gauche un choix bien à gauche. Macron a créé un parti tout neuf, il n’a pas de passé politique, il prospère sur la déception des partis politiques traditionnels. Il incarne un renouveau qui n’est pas la violence de l’extrémisme. » Et c’est un élu LR, certes centriste à l’origine, qui parle.

La drôle de campagne. « Ce que je trouverai grave pour la démocratie française, c’est que la chronique judiciaire remplace le débat politique. On a besoin de discuter des orientations que le pays doit prendre au cours des 5 ans à venir. Il faut débattre, pour que les Français fassent des choix en conscience. Sinon, il y aura un président élu sur des malentendus. »

Actu institutionnelle. Tous les présidents de métropoles (22 au total) sont réunis mercredi à Matignon, après la signature des pactes État/Métropole pour 15 d’entre elles (les 7 autres étant de nouvelles métropoles). Pour JL.Moudenc, «  les trois grands enjeux des métropoles sont l’innovation – avec les emplois de demain -, la transition énergétique et la mobilité. » Avant d’ajouter : « Je ne voudrais pas que s’installe la petite musique selon laquelle les métropoles captent, de façon égoïste, le développement économique et les créations de richessesFrance Urbaine va publier un livre pour montrer tous les bénéfices que retirent les périphéries des grands centres urbains, que ce soit le périurbain ou le rural. Nous développons des services, nous finançons des infrastructures lourdes dont profitent des habitants qui ne sont pas les habitants de nos territoires. »

L’élu toulousain alerte enfin Emmanuel Macron et François Fillon sur l’impact d’une nouvelle baisse des dotations de l’Etat aux collectivités. « Quand je vois Fillon annoncer 20 Md€ de dotations d’État en moins, et Macron 10 Md€ de moins, je leur dis à l’un et à l’autre : ‘vous allez déstabiliser les collectivités locales françaises en plein milieu de mandat’ (les maires ont été élus en 2014 et leur mandat court jusqu’en 2020, note). En nous supprimant des ressources, fiscales ou des dotations, il est certain qu’on devra revoir notre feuille de route. Cela passera par des services et/ou des projets à supprimer. »

Les autres candidats en prennent pour leur grade : « Quant à Benoît Hamon, c’est le silence absolu. A croire que les collectivités locales n’existent pas. Soit il n’a pas d’idée (par rapport aux collectivités locales, NDLR), soit il cache ses intentions. Jean-Luc Mélenchon, c’est pareil. Marine Le Pen, elle, veut supprimer les Régions. A part dire ça, aucune pensée, aucune réflexion de fond sur les collectivités. Quand je fais le bilan de tout ça, je suis un peu inquiet. » L’association France Urbaine va mobiliser les maires de grandes villes et présidents de grosses intercommunalités et métropoles, « de façon collégiale et transpartisane », les 23 et 24 mars à Arras pour travailler à l’élaboration d’une plateforme de mesures relatives au monde urbain. « Nous allons les soumettre aux candidats à la présidentielle. Les candidats seront auditionnés un par un, sans présence des médias. » En effet, parfois, c’est mieux.